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Séminaire 2006-2007 : « Morale et politique : de la confusion à la nécessaire distinction des genres »

Pourquoi ce séminaire ? 

La morale est aujourd’hui présente à la fois dans de nombreux discours politiques et dans divers engagements qui entendent répondre à des situations de misère et de détresse. 
A droite comme à gauche, la référence aux « valeurs » est omniprésente. Chez les hommes politiques, cette référence s’intègre souvent dans un discours général et incantatoire, sorte de nouvelle « langue de caoutchouc » médiatico-politique, qui sert à masquer l’inconsistance du propos. Dans la mouvance associative et médiatique, l’indignation morale liée à une référence emblématique aux droits de l’homme est fortement présente. Il existe un courant moralisant et moderniste, qui allie un « look cool », tolérant, ouvert, et une intolérance extrême basée sur la certitude aveugle d’être le dépositaire du Bien, le représentants d’évolutions sociales et culturelles qui imposeraient d’elles-mêmes leurs propres normes. Au plan international enfin, la confusion de l’humanitaire et du militaire est souvent présente, et c’est au nom du Bien que le gouvernement Bush a été amené à présenter les interventions américaines en Afghanistan et en Irak. Autant de réalités différentes qui conduisent à s’interroger sur les usages de la morale en politique et sur la façon dont la morale a amené un certain type d’engagement. 
Pour tenter d’éclairer ces questions, il nous semble nécessaire : 
 d’opérer d’abord une distinction nécessaire entre morale et politique, 
 d’étudier les discours et les réflexions d’hommes politiques et de courants de pensée qui se sont engagés en faisant plus ou moins explicitement référence à la morale, 
 d’opérer un recul réflexif et historique sur des situations historiques où morale et politique se sont trouvés mêlées.
Ce séminaire ne prétend pas recenser l’ensemble des auteurs et traiter de l’ensemble des questions relatives au problème de la politique et de la morale. Il s’agit plus modestement d’apporter, dans un esprit d’éducation populaire, les bases intellectuelles et historiques indispensables pour aborder cette question, d’entamer une première réflexion entre nous autour des thèmes suivants :

  • Comment distinguer morale et politique ? Quelles sont leurs finalités propres ? 
  • Comment, historiquement, différents courants politiques de droite et de gauche, se sont-ils référés à la morale ? Qu’en est-il aujourd’hui ?
  • Le tragique et les dilemmes de l’action examinées à partir d’engagements et de situations extrêmes.

Modalités et principes du séminaire 

Ce séminaire diffère de ceux des autres années. Il ne comporte pas de conférences publiques faites par des intellectuels ou des personnalités (des conférences publiques auront lieu, mais elles sont distinctes du séminaire). Il sera avant tout basé sur une étude et une réflexion menées en commun à partir de lectures d’extraits de textes, de petits exposés de cadrage et de notes de lectures de livres (10-15 mn maximum) préparés par des participants. À chaque séance, les extraits de textes et les références des ouvrages étudiés à la suivante seront fournis. On fera également appel à des témoignages et à des documents audiovisuels. Il s’agit de favoriser un climat d’étude et d’échange où chacun puisse se sentir libre de réfléchir et d’intervenir à partir des textes étudiés collectivement et des exposés. 
Face à des questions qui prêtent encore à passion et polémique, nous entendons fournir les éléments nécessaires d’information, opérer un recul réflexif et critique, favoriser la confrontation argumentée dans le respect des positions des uns et des autres, pour que chacun puisse se forger son propre point de vue.

Programme-séances

Samedi 18 novembre : Comment distinguer politique et morale ? Quelle finalité spécifique de la politique par rapport aux autres sphères d’activité ? Quels problèmes moraux spécifiques se posent en politique ? 
Cette première séance vise à mieux connaître les textes fondamentaux qui éclairent ces questions. On procédera à la lecture et à un débat à partir d’extraits de textes de Julien Freund : « Qu’est ce que la politique ? », et de Max Weber concernant la distinction nécessaire entre « éthique de conviction » et « éthique de responsabilité ». Quelle est la portée de ces textes dans la situation présente ?

Samedi 2 décembre : Socialisme et bolchevisme : quelles conceptions de la morale et de la politique ? 
 Comment les socialistes ont-ils pensé le lien entre la morale et le socialisme ? 
Notes de lectures de textes de Jean Jaurès, de Léon Blum, d’André Philip. 
 Amoralisme et terreur dans le bolchevisme. Exposés et notes de lecture de Leur morale et la nôtre de Léon Trotski et de textes d’Alain Besançon extraits de Les origines intellectuelles du léninisme et de Le malheur du siècle.

Samedi 16 décembre : Ordre moral, éthique et politique : les années 30 et juin 1940
De Gaulle et Pétain face à la défaite de juin 1940. Étude des discours de de Gaulle et de Pétain. Lecture de L’étrange défaite de Marc Bloch.
Le personnalisme chrétien : Quel rapport à la morale et à la politique ? Notes de lecture du cahier de Politique Autrement Le mouvement Esprit : histoire d’un engagement.

Samedi 20 janvier : Face à la guerre d’Algérie, quel tragique de l’action dans les engagements extrêmes ?
Cette séance sera consacrée à des témoignages audio-visuels, à des écrits rendant compte de situations vécues, de militants ou de gens ordinaires confrontés aux dilemmes moraux de leur engagement. Comment le problème s’est-il posé chez des militants qui ont soutenu le FLN et des ex-partisans de l’Algérie française ?

Samedi 24 mars : Du mouvement de contestation des années 60 au néo-conservatisme 

  • Quelle critique de la morale et de la politique dans le mouvement étudiant des années soixante ? Exposé et notes de lecture.
  • La droite américaine et la morale : quelles références intellectuelles ?

Exposés et lectures d’extraits de textes d’Allan Bloom, L’âme désarmée, et de Irving Kristol, Réflexions d’un néo-conservateur.

Bibliographie

  • MACHIAVEL, Le Prince, Gallimard (Folio classiques), Paris, 1980.
  • Julien FREUND, Qu’est-ce que la politique ?, Seuil, Paris, 1968.
  • Max WEBER, Le savant et le politique, Plon, 10/18, Paris 1995.
  • Julien FREUND, L’aventure du politique, entretiens avec Charles Blanchet, Critérion, Paris, 1991.
  • Charles BLANCHET, De la nature du politique : la philosophie politique de Julien Freund, Cahier de Politique Autrement, février 1994.
  • Philippe RAYNAUD, Max Weber et les dilemmes de la raison moderne, « Troisième section, chap. II : Rationaliser la domination ? »
  • Léon TROTSKI, Leur morale et la nôtre, Les éditions de la passion, Paris, 2003.
  • Léon TROTSKI, « Terrorisme et communisme, Union générale d’édition,10/18 , Paris, 1963.
  • Alain BESANÇON, Les origines intellectuelles du léninisme, Calmann-Lévy, Paris, 1977.
  • Alain BESANÇON, Le malheur du siècle, « Chap. II La destruction morale – La falsification communiste du bien », Fayard, Paris, 1977.
  • Jean-Pierre LE GOFF, « Permanence et métamorphoses du trotskisme », Études, janvier 2004.
  • Jean JAURES, « Le socialisme est une morale », in Rallumer tous les soleils, édit. Omnibus, Paris, 2006.
  • Jean JAURES, « Socialisme et liberté », Œuvres de Jean Jaurès, t. 7, Fayard, Paris 2001.
  • Léon BLUM, À L’échelle humaine, Gallimard, Paris, 1945, réédit. 1971.
  • André PHILIP, Les socialistes, édit. Seuil, Paris, 1967.
  • Charles de GAULLE, Mémoires de guerre, t.1, L’appel 1940-1942, Plon, Paris, 1954.
  • Marc BLOCH, L’étrange défaite, Gallimard, Folio Histoire, Paris, 1990.
  • Paul THIBAUD, « De l’héritage à l’exemple. De Gaulle et les Français », Esprit, juin 2001.
  • « La France libre, un héritage intransmissible ? », entretien avec Daniel CORDIER et Jean-Louis CREMIEUX -BRILHAC, Esprit, juin 2001.
  • Philippe PETAIN, Discours, http://www.guerre-mondiale.org/ (documents).
  • Le dossier de Vichy, édit. Julliard, collect. Archives, Paris 1967.
  • Jean CONILH et Jean-Marie DOMENACH, Le mouvement Esprit : histoire d’un engagement, Cahier de Politique Autrement, Juillet 1989.
  • Bernard COMTE, « Mounier sous Vichy : le risque de la présence en “clandestinité politique” », Emmanuel Mounier. Actes du colloque tenu à l’UNESCO, édit. Parole et silence, Paris, 2003.
  • Jean-Marie DOMENACH, et Zeev STERNHELL (suite et fin), controverse, Esprit, mai 1984.
  • Francis JEANSON, Notre guerre, Berg International éditeurs, Paris, 2001
  • Jean-Paul SARTRE, « Préface », Les damnés de la terre, Frantz FANON, Maspero, Paris, 1961.
  • Mohammed HARBI, Gilbert MEYNIER, Le FNL. Documents et histoire 1954-1962, Fayard, Paris, 2004.
  • Albert CAMUS, Chroniques Algériennes, 1939-1958, Gallimard, Folio Essais, Paris, 2002.
  • Hélie DE SAINT-MARC, Mémoires. Les champs de braises, édit. Perrin, Paris, 1995.
  • OAS parle, édit. Julliard, collect. Archives, Paris, 1964.
  • Arthur MARWICK, The Sixties : Cultural Revolution in Britain, France, Italy and the United States, c. 1958 – c. 1974, New-York, 1998, Press University Oxford, 1999.
  • Michael SEIDMAN, The imaginary revolution, Berghahn Books, New York, 2004.
  • Mai 68. Les mouvements étudiants en France et dans le monde, Bibliothèque de documentation internationale et contemporaine, Nanterre, 1988.
  • Jean-Pierre LE GOFF, Mai 68 l’héritage impossible, La Découverte, 1998 et 2003.
  • Allan BLOOM, L’âme désarmée, Julliard, Paris, 1987.
  • Irving KRISTOL, Réflexions d’un néoconservateur, PUF, Paris, 1987.

Les extraits de textes et les deux Cahiers de Politique Autrement cités seront fournis lors du séminaire

Séminaire 2007-2008 : « Quelle évolution des mœurs dans les sociétés démocratiques ? » (1)

1. Différence des sexes, procréation et fin de vie

Pourquoi un séminaire sur l’évolution des mœurs ?

La République implique une conception de l’homme et de la citoyenneté basée sur l’autonomie de jugement et la capacité de se décentrer, de dépasser ses propres intérêts particuliers pour prendre en compte l’intérêt général, se penser comme membre d’une collectivité démocratique, ayant une histoire propre impliquant droits et devoirs. Cette conception fixe des principes essentiels pour débattre et agir ; elle garde un caractère d’idéalité qui ne coïncide jamais complètement avec les faits. Aussi importe-t-il de mieux cerner la façon dont nombre d’évolutions sociétales paraissent la remettre en question aujourd’hui. Depuis sa création, Politique Autrement a accordé une attention soutenue à cette dimension : « La culture n’est pas pour nous une superstructure ou un supplément d’âme à la sphère politique, économique et sociale. Les difficultés que traverse notre société condensent une crise de l’idée de l’homme et de la vie en société. C’est en portant aussi le débat sur ce plan qu’on peut donner figure humaine à une société et un monde en plein bouleversement » (Nos orientations). 
Dans cette optique, Politique Autrement entame un séminaire de plusieurs années portant sur les évolutions de l’abord de la condition humaine, de la vie individuelle et collective dans les sociétés développées. Seront abordés les changements qui, dans ce domaine, ont particulièrement marqué les quarante dernières années : nouvelles conditions de la procréation, famille et la filiation, nouveau statut de l’enfance et de l’adolescence, abord de l’agressivité et de la violence, rapport à la mort…, mais aussi l’érosion des anciens cadres de pensée dans l’abord de ces questions : développement de l’interprétation psychologisante, recomposition et nouvelles formes de religiosité en Europe…

Objectifs et modalités du séminaire

Le séminaire 2007-2008 est centré autour de trois grandes questions : la différence et les rapports entre les sexes ; les nouvelles conditions et possibilités de la procréation ; la fin de vie et le rapport à la mort. Notre approche n’est pas de type universitaire. 
Ce séminaire ne prétend pas être exhaustif, recenser l’ensemble des auteurs ayant abordé ces questions. Il s’agit dans un esprit d’éducation populaire d’une première approche visant à aider à la formation d’une citoyenneté éclairée sur ces questions difficiles : 

  • en fournissant des éléments structurés de connaissances pluridisciplinaires sur la situation présente en dehors des nombreux clichés existant sur ces questions, 
  •  en permettant un premier recul réflexif par l’étude et la discussion de textes fondamentaux (philosophiques, anthropologiques et historiques).

La réflexion et la discussion sur l’évolution des mœurs ne peuvent échapper à une réflexion d’ordre philosophique et éthique. Nous ne prétendons pas satisfaire toutes les orientations et les choix personnels. Les textes fondamentaux à débattre en séance sont volontairement limités à 2 ou 3. Ces textes engagent une conception particulière. Choisis en fonction de leur qualité intellectuelle, ils doivent permettre d’ouvrir une réflexion et une discussion argumentée. 

Pour chaque thème abordé, il sera remis à chaque participant un dossier comportant de nombreuses références de textes. Un temps de lecture individuelle est donc nécessaire avant chaque séance. Le séminaire alternera des séances consacrées à l’étude, à la discussion sur les textes fondamentaux fournis antérieurement, avec des petits exposés de cadrage, des notes de lecture, et des séances de rencontre et de débat avec un nombre limité d’intellectuels ayant réfléchi aux questions abordées.

PROGRAMME -SÉANCES

Samedi 10 novembre : La différence entre les sexes et les rapports hommes-femmes dans les sociétés traditionnelles et dans la démocratie moderne
Cette première séance propose une première réflexion et discussion sur l’importance de la différence homme-femme dans les sociétés et sur les évolutions du rapport à la sexualité dans la société moderne, à partir de l’étude et de la discussion des textes de l’anthropologue Margaret Mead et du philosophe Paul Ricœur. Les interprétations développées par ces auteurs seront mises en perspective avec les évolutions des mœurs.

Samedi 8 décembre : Dans une société marquée par le libéralisme sexuel et la banalisation de la pornographie, le développement du féminisme et le malaise du masculin, la vie sentimentale peut-elle se passer de morale ? La galanterie est-elle devenue une lubie passéiste ? avec Claude Habibauteur de Galanterie française, édit. Gallimard (2006) et de Le consentement amoureux, édit. Hachette/Littératures (1998).

Samedi 2 février : Nouvelles conditions de procréation et problèmes éthiques.
Cette séance partira des possibilités nouvelles de la science et de la technique en matière de procréation pour s’interroger sur leur portée du point de vue de la conception de la condition humaine. Sur ces bases, elles se propose d’ouvrir une première réflexion sur les problèmes éthiques. Cette réflexion et ce débat partiront des textes de Jacques Testart, biologiste et de France Quéré (1936-1995) ancien membre du Comité national d’éthique. Dans un second temps, cette séance reviendra sur les débats concernant la contraception et l’avortement, débats qui ont marqué le vote de la loi Veil en 1975, en s’interrogeant sur les évolutions existant depuis cette période et la réalité des pratiques.

Samedi 15 mars : Le recul de la mort et l’avènement de l’enfant du désir, aux origines de l’individualisme moderne, avec Paul Yonnet, sociologue, auteur de Le recul de la mort. L’avènement de l’individu contemporain, édit. Gallimard, 2006. 

  • Quels bouleversements ont entraînés les nouvelles conditions de la procréation et de la naissance, l’allongement de la durée de vie dans la conception de la famille et de l’individu ? 
  •  Quelles nouvelles étapes possibles du développement des connaissances et des techniques de reproduction ? 
  •  Quelles conséquences possibles sur la conception de l’humain ?

Samedi 12 avril : Le rapport à la mort et la question de la fin de vie dans les sociétés modernes 
Cette réflexion partira des textes de l’historien Philippe Ariès sur les évolutions historiques du rapport à la mort dans l’Occident et des réflexions du philosophe Paul Ricœur sur le mourir et l’agonie du mourant. Dans un second temps, Claude de La Genardière, psychanalyste, nous parlera de son expérience d’intervenante auprès des équipes soignantes en soins palliatifs. Le travail sur les peurs partagées par chaque partenaire de l’accompagnement et du soin à l’hôpital témoigne des orientations actuelles du rapport de notre société à la mort.

Séminaire 2009 : « Quelle évolution des mœurs dans les sociétés démocratiques ? » (2)

Quelle évolution des mœurs dans les sociétés démocratiques ?

2. Civilisation : quel rapport à la sexualité, à la filiation, à la mort ?

Dans les débats actuels sur les mœurs, les allusions rapides aux évolutions peuvent tenir lieu d’arguments et servir à légitimer un relativisme qui fait fi d’une réflexion sur les conceptions anthropologiques qui sont en jeu. Certaines tendances de la société actuelle poussent à l’extrême ce relativisme : pourquoi ne pas répondre aux demandes individuelles et sociales multiples, du moment qu’elles sont sincères et manifestent de bons sentiments ? 
En dehors des modes et de l’air du temps, la réflexion entamée l’an dernier sur l’évolution des mœurs nous a permis de commencer à cerner les différentes conceptions qu’elle mettait en jeu. Cette année, le séminaire se propose d’approfondir la réflexion en procédant à la lecture de textes classiques et fondamentaux sur les questions de la sexualité, de la filiation, de la mort. 
Plutôt que de partir des problèmes liés aux évolutions, il s’agit d’opérer un détour théorique en procédant à l’étude de textes qui nous paraissent indispensables pour aborder ces questions. Dans cette perspective, nous proposons d’étudier l’interprétation freudienne de Malaise dans la civilisation ; la notion de transgression de Georges Bataille ; l’interprétation éthique de la sexualité de Paul Ricœur ; la notion de filiation et de transmission chez Pierre Legendre ; le rapport à la vieillesse et à la mort chez les stoïciens de l’Antiquité et dans la conception chrétienne. 
Les extraits de textes à lire et à étudier sont volontairement limités à deux ou trois pour chaque séance. Dans un esprit d’éducation populaire, il s’agit de se confronter directement aux textes choisis en soulignant les idées-forces des conceptions étudiées et les questions posées. De courts exposés apporteront les éléments de connaissance nécessaires à la compréhension. Les questions soulevées par ces textes donneront ensuite lieu à discussion. Nous ne prétendons pas être exhaustifs et répondre à toutes les questions, mais aider à mieux appréhender les enjeux anthropologiques de l’évolution des mœurs dans les société démocratiques.

PROGRAMME –SEANCES

Samedi 24 janvier : Malaise dans la civilisation 
L’interprétation de Freud implique une conception de l’homme et de la civilisation a contrario d’un certain angélisme. Quelles sont les idées-forces de cette interprétation ? Qu’en est-il aujourd’hui du « sur-moi » et du sentiment de culpabilité étroitement liés à l’idée même d’éthique et de civilisation ?

Samedi 7 mars : Sexualité, interdit et transgression
Longtemps considéré comme un auteur maudit, Georges Bataille aborde les thèmes de l’interdit et de la transgression et pose à sa façon la question d’une part sauvage irréductible. Le texte de Paul Ricœur : « Sexualité, la merveille, l’errance, l’énigme » interroge la difficile ou l’impossible réconciliation de l’érotisme et de l’institution du mariage. La confrontation de ces conceptions ouvre les questions : Quels ont été les effets de l’introduction de l’érotisme dans la culture contemporaine ? Quelle signification peut avoir la transgression dans une société devenue permissive ?

Samedi 4 avril : La filiation en question 
À l’inverse de l’idée d’une auto-fondation, la filiation inscrit l’individu dans un ordre généalogique préétabli par un cadre juridique. L’interprétation de Pierre Legendre du principe généalogique constitutif de l’humanité interroge de façon critique la psychologisation et le sentimentalisme contemporains.

Samedi 16 mai : Quel rapport à la vieillesse et à la mort ? 
Les textes de Cicéron sur la vieillesse et la mort exposent une sagesse stoïcienne qui mérite d’être comparée aux angoisses de l’homme contemporain.
Les textes de Paul Ricœur (« Vivant jusqu’à la mort »), de Paul-Louis Landsberg (« L’expérience de la mort de l’autre »), qu’on soit ou non croyant, développent une réflexion chrétienne qui est au cœur de notre tradition.

Séminaire 2010 : « Quelles critiques de la modernité ? » (1)

Modernité et rapport à la nature, la critique heideggerienne de la technique

Les critiques de la modernité occidentale ne datent pas d’aujourd’hui et se sont exprimées à travers la littérature et les arts, la philosophie, la religion… Cette critique est partie intégrante de l’héritage culturel de l’Europe en tant que « continent de la vie interrogée » et valorisant, à travers l’héritage démocratique, le recul réflexif et critique, l’autonomie de jugement. 
Aujourd’hui, avec le développement de l’écologie, la critique d’une certaine idée du progrès et de la société de consommation s’accompagne souvent d’une remise en cause confuse des conceptions et des valeurs qui ont marqué notre histoire et qui sont intimement liées au développement scientifique et technique, économique et social. L’ouverture et la confrontation avec les autres cultures du monde ont entraîné d’autre part une remise en cause salutaire de l’ethnocentrisme. Mais cette critique semble avoir largement basculé en France vers une mésestime de soi de plus en plus ignorante des conceptions de l’homme, de son rapport à la nature, à la société, à la politique et à l’histoire qui ont accompagné l’Europe dans son développement. 
Pour étudier ces questions, le séminaire entend opérer un détour théorique en procédant à l’étude de textes fondamentaux critiques de la modernité. Plus précisément, le séminaire, qui se déroulera sur deux ans, procédera à l’étude de deux grands auteurs : Martin Heidegger et Hannah Arendt. Ces deux auteurs mettent en lumière, chacun à leur manière, les évolutions des conceptions de l’homme et du monde qui ont accompagné le développement de la modernité. Martin Heidegger interroge de façon critique la rupture introduite par le « règne de la technique » dans le rapport à la nature et la façon d’« habiter le monde ». Hannah Arendt à laquelle des courants critiques et alternatifs font référence, souligne l’hégémonie du « travail » dans la société moderne au détriment de l’« œuvre », de la parole et de l’action dans la cité. Autant d’éléments qui peuvent permettre d’interroger l’état de notre modernité et de mieux cerner, à travers leur interprétation, un certain type de critique de la société moderne et de la démocratie. 
On s’attachera à resituer ces courants de pensée dans leur contexte social et historique tout en prenant pleinement en compte les questionnements philosophique dont ils sont porteurs. Après avoir étudié et cerner de plus près les grands thèmes de ces critiques et le cadre global des interprétations, nous nous interrogerons sur leur persistance aujourd’hui, leur portée, leurs limites et les impasses auxquelles ces critiques peuvent conduire.
Fidèle à notre habitude de travail, le séminaire procédera à une étude et à une discussion de textes choisis, en nombre limité (2 à 3 par séance), accompagnées au fur et à mesure d’apports structurés de connaissances sous la forme d’exposés et de mises en perspective des textes choisis avec d’autres textes et auteurs qui semblent leur faire écho, les rejoindre ou les contredire. Des petites bibliographies et des recommandations de lecture sont fournies à chaque séance. Notre souci pédagogique vise à permettre à chacun de mieux comprendre la problématique de ces auteurs sans pour autant prétendre rendre compte de façon exhaustive de leur conception. Il s’agit d’une première approche de leur interprétation critique de la modernité et de leur conception philosophique. Ce séminaire doit ainsi permettre de poursuivre de façon plus aisée la lecture et l’étude des œuvres en question. 
Ce séminaire est ouvert à tous ceux qui se montrent désireux de connaître ces critiques de la modernité et de s’interroger sur leur pertinence. Il s’agit de donner à chacun les moyens d’étudier et de comprendre ces auteurs – et à travers eux les enjeux du développement des démocraties modernes – avec un recul réflexif et critique suffisant pour se forger son point de vue en toute liberté.

Jean-Pierre Le Goff

1. Modernité et rapport à la nature

— La critique heideggerienne de la technique—

Samedi 23 janvier, 14h 30 : Modernité et modernisation : Quelles définitions et quels repères historiques ?
Avant d’aborder la critique de la technique de Heidegger, il est nécessaire d’avoir quelques grands repères historiques et de cerner les conceptions que cette critique met en question : 

  • Quelles sont les grandes étapes des « temps modernes » dans l’histoire de l’Occident ? 
  • Le courant humaniste modernisateur dans la France de l’après-guerre : étude de textes d’Emmanuel Mounier La petite peur du XXe siècle (1949) et en contrepoint étude de la critique de la modernité de Georges Bernanos dans La France contre les robots (1947).

Samedi 13 février, 14 h 30 : Quelle critique des temps modernes et du « règne de la technique » ?
À l’inverse des discours optimistes des années 50 et 60 sur le développement scientifique et technique, Heidegger développe une critique radicale du règne de la technique et de ses effets dévastateurs.

  • Sur quoi porte précisément sa critique ?
  • Quelles en sont les principaux thèmes ? 
  • Étude des textes portant sur « la pensée calculante et la pensée méditante », « le règne de la technique » et « la technique moderne comme pro-vocation ».

Samedi 20 mars, 14h 30 : Quelle rupture dans notre rapport à la nature et au monde ? 
La critique heideggerienne de la technique est inséparable du bouleversement de l’expérience d’un « être au monde » originaire lui-même inséparable d’un type de rapport à la nature.

  • En quoi consiste cette expérience ? Quelles en sont les principales références ? 
  • Etude des textes : « Le chemin de campagne », « Hebel, l’ami de la maison » et « Qu’appelle-t-on penser ? »

Samedi 10 avril, 14h 30 : Quel recours possible face au « règne de la technique » ? Quelle critique de l’humanisme ?
Pour terminer cette étude, nous nous interrogerons sur la portée, les limites et les impasses de l’interprétation de M. Heidegger.

  • Quelles sont les principales critiques portées à sa conception de la science, de la technique et de l’histoire ? 
  • Quelle place est faite à l’autre, à l’éthique et à l’action dans son interprétation ? Quel rapport à l’engagement politique ? 
  • Étude des textes de Emmanuel Lévinas, Jürgen Habermas, Rudolph Steiner.

Séminaire 2011 : « Quelles critiques de la modernité » (2)

Modernité et démocratie, l’interprétation critique de Hanna Arendt

Hannah Arendt est désormais devenue une référence, sans que pour autant soit suffisamment pris en compte le cadre réflexif global dans lequel s’inscrit sa critique de la modernité. Ses conceptions du « travail », de l’« œuvre », de l’« action », de la cité grecque et de l’évolution historique sous-tendent son interprétation du monde moderne. On ne saurait séparer ces deux registres, si non au risque de réduire la réflexion de H. Arendt à quelques critiques faciles de la société moderne.
Celle-ci souligne la place prise par le travail et la question sociale dans les démocraties modernes dans une optique qui met en question nos cadres de pensée habituels ; sa conception de la politique s’inspire de la démocratie athénienne et sa critique met en en perspective cette expérience originaire avec les démocraties modernes ; son interprétation de la révolution française comparée à la révolution américaine souligne le conflit entre liberté et égalité ; sa critique du sentiment, de la « compassion » en politique, son interprétation de la crise de l’éducation dans le monde moderne gardent plus que jamais leur actualité… Autant d’éléments qui méritent d’être étudiés avec attention et contribuent à mettre en lumière des phénomènes politiques et sociaux de notre société. Après avoir étudié et cerner de plus près le cadre global de l’interprétation et de la critique, nous nous interrogerons sur sa portée et ses limites pour comprendre notre présent.
Bien que la critique du totalitarisme soit liée à l’interprétation globale de la modernité de H. Arendt, le séminaire 2011 n’aborde pas ce thème. Cette année, nous avons voulu centrer notre étude sur ses conceptions de la démocratie, de l’éducation et sa critique de la révolution française. 
Fidèle à notre habitude de travail, le séminaire procédera à une étude et à une discussion de textes choisis, en nombre limité (3 à 4 par séance), accompagnées au fur et à mesure d’apports structurés de connaissances sous la forme d’exposés et de mises en perspective des textes choisis avec d’autres textes et auteurs qui semblent leur faire écho, les rejoindre ou les contredire. Des petites bibliographies et des recommandations de lecture sont fournies à chaque séance. Notre souci pédagogique dans l’esprit de l’éducation populaire vise à permettre à chacun de mieux comprendre la problématique de l’auteur, sans pour autant prétendre rendre compte de façon exhaustive de son œuvre. Il s’agit d’une première approche de son interprétation du monde grecque et de sa critique de la modernité. Ce séminaire doit ainsi permettre à chacun de poursuivre de façon plus aisée la lecture et l’étude des œuvres en question ; il est ouvert à tous ceux qui désirent opérer un recul réflexif et critique sur notre modernité.

SÉANCES

Samedi 5 février, 14h 30 : « Quelle critique de la société de consommation ? Le travail, l’œuvre et la culture dans le monde moderne. »

La critique de la société de consommation de Hannah Arendt est inséparable de sa distinction du « travail » et de l’« œuvre ». Quelles définitions en donne-t-elle ? Quelle pertinence de cette distinction dans la société d’aujourd’hui ? Quelle critique de la culture dans une société de consommation ? 
Étude des textes portant sur le « travail » et l’« œuvre », sur leur confusion dans le monde moderne, sur la culture confrontée au développement des loisirs.

Samedi 5 mars, 14h 30 : « Quelle politique dans le monde moderne ? De la cité grecque à la société. »

La conception de la politique de Hannah Arendt s’inspire de la démocratie athénienne et sa critique met en en perspective cette expérience originaire avec les démocraties modernes. Quelle est la pertinence de cette référence et de cette mise en perspective ? Quels phénomènes politiques cette interprétation contribue-t-elle à mettre en lumière ? 
Étude des textes portant sur l’interprétation de H. Arendt de la cité grecque, sa conception de « l’Action » et de l’histoire, sa critique du comportement de masse dans les sociétés modernes.

Samedi 2 avril, 14h 30 : « Crise et difficultés de l’éducation. »

Dans ses textes portant sur l’autorité et l’éducation, H. Arendt est amenée à souligner les difficultés de l’éducation dans un monde marqué par la crise de l’autorité et de la tradition, tout en réfléchissant au rôle que l’éducation joue dans toute civilisation. En quoi consiste cette crise ? Quelle conception arendtienne de l’éducation ? 
Étude des textes portant sur l’éducation des enfants et la responsabilité des adultes dans la « responsabilité du monde », sur la crise de l’éducation en Amérique qui, sous beaucoup d’aspects, paraissent prémonitoires de la crise de l’école que nous connaissons aujourd’hui.

Samedi 7 mai, 14h 30 : « Quelle critique de la révolution française ? Quelle conception de la démocratie dans le monde moderne ? »

Dans son Essai sur la révolution, Hannah Arendt développe une interprétation comparative entre la révolution française et américaine qui souligne les déviations de la révolution française et la terreur sur laquelle elle a un moment débouché. Quelles sont, selon H Arendt, les causes de cette dégénérescence ? 
Étude de textes portant sur la question sociale, sur la conception du « peuple », sur la différence entre solidarité et compassion, sur la politique de la vertu.
Pour terminer ce séminaire, nous nous interrogerons sur la portée et les limites des conceptions de la démocratie et de la liberté chez H. Arendt, en les confrontant à celles de Benjamin Constant dans son texte « De la liberté des anciens confrontée à celle des modernes ».