Aujourd’hui l’autonomie et l’épanouissement individuels sont devenus des références centrales. Dans le même temps, les institutions traditionnelles, telles que les Églises ou la famille, se sont érodées. L’État et les partis politiques, l’école et l’université, l’armée et la police… connaissent d’importantes transformations. Il importe de prendre la mesure de ces évolutions en dehors des deux optiques qui marquent notre présent : la fuite en avant moderniste ou le retour nostalgique et crispé sur la tradition.
L’avénement de la démocratie est allé de pair avec celui de l’individu qui se détache des anciens modes de filiation et d’appartenance communautaire. Dans les sociétés modernes, le développement de la consommation et des loisirs, la mise en place de garanties et de protections sociales ont accompagné l’aspiration au bonheur individuel.
Ces évolutions ont entraîné un nouveau rapport aux institutions où les notions de besoins et de droits sont devenus prédominantes. Plus récemment, la crise de l’engagement et du militantisme dans les années soixante-dix s’est accompagnée du développement d’un nouvel individualisme qui rend plus problématique le rapport aux institutions et au vivre-ensemble.
La question de la nation resurgit aujourd’hui dans un nouveau contexte marqué par la crise des grandes idéologies. L’éclatement de l’ex-Union soviétique et la fin du communisme se sont accompagnés de l’affirmation d’identités ethniques, du développement du nationalisme et de la xénophobie. Dans les pays démocratiques, avec la mondialisation des échanges dans tous les domaines et le développement de l’individualisme, le sentiment d’appartenance nationale n’est plus le même que par le passé.
La construction européenne soulève d’autre part la question de la place et du rôle de la nation à l’intérieur d’un espace politique européen en voie de constitution. Si le cadre national demeure l’espace dans lequel s’exerce la citoyenneté, les transferts de pouvoirs à l’Union européenne, le développement d’un droit et d’une réglementation européenne impliquent des pertes de souveraineté.
Dans un tel contexte, la question de la nation est souvent traitée de façon schématique et confuse. La référence à la nation peut être assimilée au nationalisme et on enferme le débat dans la fausse alternative : ou bien le repli sur un nationalisme figé qui se refuse à prendre en compte les évolutions du monde, ou bien la fuite en avant moderniste qui considère que la nation n’a plus lieu d’être.
Pour sortir de cette confusion et de cette fausse alternative, il est nécessaire d’en revenir à des questions premières : Qu’est-ce qu’une nation ? Quelles conceptions différentes de la nation ont marqué l’histoire et qu’en est-il de la spécificité française ? Face aux évolutions du monde quel avenir pour la nation ? D’autres formes d’appartenance politique sont-elles possibles ?
Telles sont les principales questions que ce séminaire se propose d’éclairer par une série d’exposés suivis de débats.
La notion d’« égalité » est une référence centrale du discours politique actuel et donne lieu à de multiples utilisations : « égalité citoyenne », « égalité sociale », « égalité des chances »… Comment s’y reconnaître dans ces différents usages ?
La démocratie met en œuvre le principe selon lequel tous les citoyens ont un droit égal aux libertés fondamentales garanties par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Constitution. Les citoyens sont égaux devant la loi qui doit être la même pour tous. Ils ont droit de participer à la formation de la loi, essentiellement par le suffrage universel, et à l’exercice des fonctions publiques.
Depuis le XIXe siècle, le domaine de l’égalité s’est élargi à la sphère économique et sociale à travers l’idée de justice sociale. Aux principes fondateurs de la démocratie se sont ajoutés des droits sociaux prenant en compte les inégalités économiques et sociales et affirmant le droit d’obtenir un emploi et à des moyens convenables d’existence (préambule de la Constitution de 1946).
Depuis les années quatre-vingt, le discours politique met en avant la notion d’« équité » et d’« égalité des chances », sans que cette notion ait fait l’objet d’un éclaircissement théorique suffisant. Constatant les effets déstructurants de la crise, le rapport du Conseil d’État pour 1996 sur le principe d’égalité s’interroge sur « la portée d’une égalité conçue comme une égalité des droits », et « si une meilleure égalité des chances n’apporterait pas aux problèmes économiques et sociaux de la société contemporaine une réponse plus équitable ». L’« égalité des chances » est au centre des politiques publiques et est associée au principe de « discrimination positive » dans le domaine économique et social (« donner plus à ceux qui en ont moins »). Cette politique met en pratique des traitements différenciés en faveur des catégories les plus défavorisées, dans la politique de la ville et la politique d’établissement de zones d’éducation prioritaires dans les quartiers défavorisés à fort taux d’échec scolaire. À ces évolutions s’ajoutent des références à l’égalité plus équivoques. La critique de l’élitisme dans le domaine de l’école et de la culture débouche sur un discours démagogique qui, au nom de l’égalité, prône le « droit à la réussite » pour tous et développe l’égalitarisme. Enfin, au nom de l’« égalité », l’affirmation de différences ethniques, culturelles, sexuées, liées à des communautés ou des groupes minoritaires, s’accompagne de la revendication d’une « discrimination positive » dans le domaine professionnel et politique.
Le séminaire de Politique Autrement se propose d’examiner de plus près ces évolutions et ces différentes approches, en essayant de clarifier le principe d’égalité et les enjeux des débats auxquels il donne lieu.