Que savons-nous de la Révolution française en dehors des souvenirs d’école et des images emblématiques ? Elle est une référence de notre histoire nationale sans qu’on s’interroge outre mesure sur les conceptions de l’action politique qu’elle a mises en œuvre. Partie intégrante de notre héritage politique et culturel, elle est un trait marquant de l’« exception française » à l’heure de l’Union européenne : des pays sont passés de la monarchie à un régime représentatif sans pour autant connaître une révolution semblable. C’est précisément cette spécificité qui constitue l’objet d’étude de ce séminaire, en s’attachant avant tout à la période qui, de 1792 à 1795, suit la destitution du roi, voit l’installation de la Convention, la création d’un Comité de salut public et l’instauration de la Terreur, puis la chute de Robespierre.
Pour ce faire, plutôt que d’aborder d’emblée les interprétations contradictoires auxquelles cette période a donné lieu, ce séminaire entend d’abord prendre en compte les écrits, les paroles des principaux acteurs de la révolution et leurs pratiques ; ces textes et déclarations ne sont pas forcément très connus ou sont d’emblée recouverts par les controverses auxquelles ils ont donné lieu et peuvent encore donner lieu aujourd’hui. C’est après avoir étudié ces textes, que nous serons amenés à nous interroger sur la nature des conceptions mises en œuvre, leur persistance ou non dans la France d’aujourd’hui. Ce séminaire n’entend pas ainsi aborder les conditions qui ont rendu possible l’événement, ni l’ensemble du processus révolutionnaire, encore moins évaluer l’œuvre et les acquis de la Révolution, mais examiner quatre grands thèmes : l’égalité, l’action politique, la morale et la religion.
Dans le même temps, pourront être abordées des questions qui, pour n’étant pas nouvelles, n’en sont pas moins essentielles pour comprendre la Révolution française : peut-on considérer la « révolution comme un bloc », pour reprendre une formule célèbre de Clemenceau, ou au contraire parler de deux révolutions distinctes (1789 et 1793) ? Comment a-t-on pu passer de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 à la Terreur ? Cette dernière est-elle une déviation malheureuse de 1789 due à des circonstances extraordinaires ou 1789 ne contient-il pas dans sa dynamique propre 1793 ? Quelle part accorder aux circonstances, aux idées, aux représentations et aux passions révolutionnaires dans l’instauration de la Terreur ? Ce faisant, nous serons amenés à reprendre sous un nouvel angle des questions déjà abordées dans d’autres séminaires de Politique Autrement : pourquoi et comment l’idée d’un monde nouveau porté par une certaine idée du Bien de l’humanité peut-elle déboucher sur son contraire ? Qu’en est-il aujourd’hui ?
Fidèle à notre méthode de travail, le séminaire procédera à une étude et à une discussion de textes choisis : déclarations et écrits des sans-culottes, de Marat, de Robespierre et Saint-Just, de Pierre Victorien Vergnaud, Jean-Baptiste-Louvet, de Danton et Camille Desmoulins, de Condorcet, de Babeuf et Sylvain Maréchal. Les références de ces textes sont envoyées avant chacune des séances ; deux ou trois textes sont plus particulièrement étudiés et discutés en séance avec des apports structurés de connaissances. Des petites bibliographies et des recommandations de lecture sont également fournies.
Dans un esprit d’éducation populaire, notre souci vise d’abord à permettre à chacun de mieux connaître les principales idées, les représentations, les contradictions entre les principaux protagonistes de cette période de la Révolution, avec un recul réflexif suffisant pour que chacun puisse se forger son propre point de vue en toute liberté.