Nous avons le sentiment que la mutation qui s’opère dans les sociétés démocratiques n’est pas une simple parenthèse conjoncturelle, mais qu’elle met en jeu les repères qui ont structuré une façon de vivre, de débattre et d’agir ensemble, entraînant une crise de la transmission. Les années soixante et soixante-dix ont été marquées par une contestation des figures traditionnelles de l’autorité et de la culture humaniste et religieuse héritée. Qu’en est-il aujourd’hui de ces figures traditionnelles et de cette culture ? Comment concevoir leur transmission si nous ne savons plus quoi retenir du passé ?
Dans une telle situation, le débat culturel et politique est souvent enfermé dans un faux dilemme : la perte de tout sens critique face aux évolutions ou le repli nostalgique sur un passé idéalisé.
D’un côté, l’ampleur et la vitesse des évolutions dans tous les domaines (scientifiques, technologiques, économiques, sociaux et culturels…) paraissent telles que le passé semble définitivement révolu et toute tentative pour s’en inspirer obsolète ou « ringarde ».
De l’autre, il existe un intérêt social multiforme pour l’histoire qui n’est pas exempt de nostalgie, comme si la société tenait à garder en mémoire et vénérer « ce monde que nous avons perdu ». Entre le repli nostalgique sur le passé et la fuite en avant moderniste, comment renouer un lien avec le passé qui permette de tracer un avenir discernable porteur d’espérance ?
Notre culture démocratique est marquée par un questionnement constant et une capacité critique qui fait que tout peut être examiné et discuté à la lumière de la raison, mais ce questionnement n’implique pas le dénigrement et la mésestime de soi. La culture humaniste et démocratique a été bouleversée par la barbarie des guerres mondiales, des guerres coloniales, des génocides et des totalitarismes. Ces réalités font partie de la face sombre de notre histoire et elles ont entraîné un profond scepticisme quant aux capacités émancipatrices de notre culture. Mais à l’échelle de l’histoire humaine, aucune civilisation, aucun peuple ne peuvent revendiquer un blanc seing et il importe de savoir à quoi l’on tient dans l’héritage qui nous a été légué tant bien que mal au fil des générations.
Programme-Séances
- « Quel rapport à l’histoire ? » Cette première séance vise à mieux connaître les conceptions de différents auteurs concernant le rapport à l’histoire et la façon dont cette question se pose aujourd’hui. Dans ce cadre, on procédera à une lecture et à un débat autour d’extraits de textes de Nietzsche, Hannah Arendt, Paul Ricoeur et de l’historien Pierre Nora.
- « Quelle nouvelle figure de l’autorité ? » Quels sont les effets de l’effacement de la figure du père et du développement du modèle matriarcal dans la transmission du symbolique ? Par Michel Schneider, psychanalyste, ancien directeur de la musique et de la danse au ministère de la culture, auteur de Big Mother. Psychopathologie de la vie quotidienne, édit. Odile Jacob.
- « École : crise de la transmission et culture commune ». La crise de la transmission à l’école est-elle une simple affaire de méthode ? Quelle culture commune voulons-nous que l’école transmettre ? Par Marie-Claude Blais, maître de conférences en sciences de l’éducation, auteur de Au principe de la République. Le cas Renouvier, édit. Gallimard, et, de Pour une philosophie de l’éducation. Six questions pour aujourd’hui, avec Marcel Gauchet et Dominique Ottavi, édit. Bayard.
- « Héritage religieux et démocratie ». Quelle place donner aux religions dans la transmission de l’héritage culturel ? Quel apport spécifique du christianisme ? Quelle conception nouvelle de la laïcité ? Par Marcel Gauchet et Paul Valadier. Marcel Gauchet, philosophe, secrétaire de la revue Le Débat, est notamment l’auteur de Le désenchantement du monde, de La religion dans la démocratie et de La démocratie contre elle-même aux éditions Gallimard. Paul Valadier, jésuite, professeur de philosophie au centre Sèvres à Paris, directeur de la revue Archives de philosophie, est notamment l’auteur de Un christianisme d’avenir, de Morale en désordre. Un plaidoyer pour l’homme aux éditions du Seuil et de Nietzsche l’intempestif aux éditions Beauchesne.