Après l’attentat du 11 septembre et l’émotion qu’il a suscitée, dans cette année riche en polémiques politiques de toute sorte, le séminaire de Politique Autrement se propose de prendre du recul pour examiner de plus près la situation des sociétés démocratiques aujourd’hui.
Les droits de l’homme, l’État de droit protégeant les personnes et les biens, permettant la liberté d’expression individuelle et collective, l’élection au suffrage universel, la distinction de la société et l’État… constituent des acquis démocratiques essentiels qu’il s’agit de défendre contre toutes les formes de fanatisme et d’intégrisme. Mais les sociétés développées ne s’en trouvent pas moins aujourd’hui confrontées à des faiblesses et des dérives internes qui érodent leur dynamique démocratique.
Au plan intérieur, la politique demeure centrée sur des problèmes de gestion économico-sociale sans vision structurée et véritable projet d’avenir. Les politiques « surfent » sur une « demande sociale » qui semble de plus en plus difficile à cerner. Gestion et démagogie coexistent dans une société qui semble s’être déconnectée de l’histoire et peine à retrouver une dynamique. Et alors que les médias pourraient être un outil central permettant d’éclairer les citoyens sur les grandes questions qui déterminent notre présent et notre avenir commun, ils versent trop souvent dans le superficiel et le spectaculaire.
Les sociétés démocratiques européennes sont marquées par l’expérience des totalitarismes. Elles ont le plus grand mal à accepter l’ambivalence de leur histoire et à dégager clairement les acquis de leur héritage. Dans le même temps, au sein de la société, le soupçon systématique vis-à-vis des institutions et de tout ce qui, de près ou de loin, rappelle un principe quelconque d’autorité, s’est développé. Il existe également un sentiment d’insécurité, un mal être existentiel et social diffus dont témoignent la forte consommation d’anxiolytique et le développement de la consommation des drogues.
Comment comprendre ces faiblesses et ces dérives de la démocratie ? Comment en est-on arrivé là ? Sommes-nous entrés dans une nouvelle étape historique des sociétés démocratiques ? Quelles sont les conditions d’un renouveau ?
Telles sont les principales questions que ce séminaire se propose d’éclairer par un retour aux sources et des exposés suivis de débats. Plutôt que de faire appel à une multitude d’intervenants, nous nous en sommes tenus volontairement à un nombre limité d’interventions et de séances, en veillant à la qualité des contenus et en laissant une place au débat.

Programme-Séances

  • « Dérives et faiblesses de la démocratie ». Cette première séance vise à fournir les connaissances de base sur la question des faiblesses et dérives possibles de la démocratie à partir de la lecture d’extraits de textes classiques : Alexis de Tocqueville sur le despotisme démocratique et Benjamin Constant sur la liberté des anciens et des modernes.
  • La démocratie peut-elle vivre dans le soupçon et la démystification généralisée ? par Jacques Dewitte, philosophe. Comment éviter l’impasse d’une posture du soupçon généralisé sans renoncer à l’exigence critique consistant à dévoiler les mensonges et les manipulations idéologiques ? Comment maintenir la possibilité de convictions sensées dans l’espace public, sans que celles-ci soient immédiatement rattachées à des intérêts cachés ou à des motivations inconscientes ?
  • « Quelle qualité du débat public dans les grands médias ? » , par Jean-Marie Cavada, président de Radio-France. Comment expliquer la dégradation du débat public dans l’audiovisuel ? La concurrence acharnée que se livrent les différentes stations et chaînes de télévision peut-elle suffire pour expliquer un tel phénomène ? Quelles sont les conditions à mettre en place pour que puissent avoir lieu des débats de qualité sur les grandes questions de la cité ?
  • « Comment comprendre le mal-être existentiel et social existant aujourd’hui dans les démocraties ? » par Jean-Pierre Le Goff, sociologue, auteur de La démocratie post-totalitaire, éditions La Découverte (janvier 2002). La « dictature des marchés » et l’idéologie libérale peuvent-ils suffire pour en rendre compte ? L’idéologie de la modernisation et l’insignifiance ne sont-ils pas au cœur du mal-être existant ? Quel rapport les sociétés démocratiques européennes entretient-elles avec leur héritage politique et culturel après l’expérience des totalitarismes passés ?
  • « Quelle participation des citoyens dans les affaires de la cité ? » Débat avec Alain Caillé, directeur de la revue du MAUSS (mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales) et Jean-Pierre Le Goff, président du club Politique Autrement.
    Comment peut se concrétiser, dans les conditions des sociétés modernes, l’implication des citoyens dans les débats portant sur les grands choix et les orientations politiques ? Quel peut être le rôle des associations, des clubs de réflexion, des revues et des médias ?