La question de la nation resurgit aujourd’hui dans un nouveau contexte marqué par la crise des grandes idéologies. L’éclatement de l’ex-Union soviétique et la fin du communisme se sont accompagnés de l’affirmation d’identités ethniques, du développement du nationalisme et de la xénophobie. Dans les pays démocratiques, avec la mondialisation des échanges dans tous les domaines et le développement de l’individualisme, le sentiment d’appartenance nationale n’est plus le même que par le passé.
La construction européenne soulève d’autre part la question de la place et du rôle de la nation à l’intérieur d’un espace politique européen en voie de constitution. Si le cadre national demeure l’espace dans lequel s’exerce la citoyenneté, les transferts de pouvoirs à l’Union européenne, le développement d’un droit et d’une réglementation européenne impliquent des pertes de souveraineté.
Dans un tel contexte, la question de la nation est souvent traitée de façon schématique et confuse. La référence à la nation peut être assimilée au nationalisme et on enferme le débat dans la fausse alternative : ou bien le repli sur un nationalisme figé qui se refuse à prendre en compte les évolutions du monde, ou bien la fuite en avant moderniste qui considère que la nation n’a plus lieu d’être.
Pour sortir de cette confusion et de cette fausse alternative, il est nécessaire d’en revenir à des questions premières : Qu’est-ce qu’une nation ? Quelles conceptions différentes de la nation ont marqué l’histoire et qu’en est-il de la spécificité française ? Face aux évolutions du monde quel avenir pour la nation ? D’autres formes d’appartenance politique sont-elles possibles ?
Telles sont les principales questions que ce séminaire se propose d’éclairer par une série d’exposés suivis de débats.

Programme-Séances

  • « Quelles conceptions de la nation ? » Depuis deux siècles, deux conceptions de la nation se sont affrontées : l’une fondée sur le contrat et l’adhésion libre des individus, l’autre fondée sur le sang, les coutumes et la tradition. Quels ont été les principaux théoriciens et propagateurs de ces conceptions ? Cette première séance vise à fournir les connaissances de base sur ces questions à partir de la lecture des textes des principaux représentants français de ces deux conceptions de la nation depuis le XVIIIe siècle : Emmanuel Sieyès (1748-1836) et Joseph de Maistre (1753-1821) ; Ernest Renan (1823-1892) et Maurice Barrès (1862-1923).
  • « Nation et démocratie : quels nouveaux défis ? » Peut-on considérer que la conscience d’appartenance à un groupe ethnique suffit pour définir une nation ? Quelle conception de la citoyenneté implique la nation moderne ? A quels nouveaux défis et menaces ont à faire face les nations démocratiques en cette fin du xxe siècle ? Par Dominique Schnapper, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, auteur notamment de La France de l’intégration. Sociologie de la nation (1990), et La communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de la nation (1994).
  • « Quelle spécificité de la conception française de la nation à l’heure de la construction de l’Union européenne ? » L’opposition passée au sein de l’Europe entre une conception française de la nation basée sur l’association volontaire et libre et celle d‘une nation basée sur l’ethnie et l’enracinement est-elle encore pertinente aujourd’hui au sein de l’Union européenne ? Cette conception française peut-elle servir de référence pour les autres pays et pour l’Union européenne ? Par Alain Finkielkraut, philosophe et essayiste, auteur notamment de La défaite de la pensée (1987), Le mécontemporain. Péguy, lecteur du monde moderne (1991), L’ingratitude. Conversation sur notre temps (1998).
  • « Que penser de la notion d’« identité postnationale ? » Quelle place pour la nation dans l’Union européenne ? Il y a un enjeu géopolitique important à ce que se constitue une Union européenne qui puisse constituer un pôle de stabilité et de paix, peser politiquement dans les affaires du monde et contribuer ainsi à l’équilibre d’un nouvel ordre mondial face à la superpuissance américaine. Pour autant, la nation demeure le cadre essentiel où s’exerce de la citoyenneté et l’on ne saurait séparer artificiellement la culture d’un peuple et l’ordre politique. Comment résoudre ce dilemme ? Par Paul Thibaud, ancien directeur de la revue Esprit, auteur notamment de Discussion sur l’Europe (avec Jean-Marc Ferry) (1992), Et Maintenant… Contribution à l’après-mitterandisme (1995).