« Comment l’enfant ne deviendrait-il pas non seulement un être, un sujet, mais une sorte de petit dieu vivant ? Il est le fruit d’une sélection, d’un désir, d’une volonté, on le lui dit, ou il doit le savoir, le deviner. Il faut lui dire qu’il a décidé de venir et que ses parents ont décidé de le faire venir. Il n’est plus la conséquence d’une nécessité holiste (continuer la famille, survie du groupe), ni le fruit concomitant de Dieu, il ne doit pas être le fruit aléatoire de relations sexuelles – c’est ce qu’il pourrait y avoir de pire -, il n’est pas le fruit du désir sexuel, mais le fruit du désir d’enfant, aujourd’hui dissociés et dont l’association n’est plus qu’épisodiquement ou exceptionnellement réinstallée, il est l’aboutissement, la réalisation d’une volonté précise d’avoir cet enfant, celui-ci et pas un autre. La norme de la reproduction dirigée est tellement forte qu’elle exerce des ravages cruels lorsque l’enfant apprend qu’il n’a pas été voulu ou qu’on n’a pas réussi à s’en débarrasser. La médaille de l’enfant désiré, on l’a dit, a de terribles revers. » Paul YONNET, Le recul de la mort. L’avènement de l’individu contemporain, Gallimard, 2006, p. 240

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