« C’est une des confusions les plus fréquentes (et je ne veux pas dire les plus primaires), que de confondre précisément l’homme, l’être de l’homme avec ces malheureux personnages que nous jouons. Dans ce fatras et dans cette hâte de la vie moderne on n’examine rien ; il suffit qu’un quiconque fasse quoi que ce soit, (ou même fasse semblant), pour qu’on dise, (et même pour qu’on croie), que c’est là son être. Nulle erreur de compte n’est peut-être aussi fausse et peut-être aussi grave. Par conséquent nulle erreur n’est aussi communément répandue. […]
C’est toujours la même histoire, et le même glissement, et le même report, et le même décalage. Parce que c’est toujours la même hâte, et le même superficiel, et le même manque de travail, et le même manque d’attention. On ne regarde pas, on ne fait pas attention à ce que les gens font, à ce qu’ils sont, ni même à ce qu’ils disent. On fait attention à ce qu’ils disent qu’ils font, à ce qu’ils disent qu’ils sont, à ce qu’ils disent qu’ils disent. […] Et les théoriciens de la clarté font des livres troubles. » Charles PEGUY, « L’Argent », Oeuvres en proses complètes, t. III, Gallimard, collect. La Pléiade , Paris, 1992, p. 809-810.

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