« Nous avons dit que les lois étaient des institutions particulières et précises du législateur, et les mœurs et les manières des institutions de sa nation en général. De là, il suit que, lorsque l’on veut changer les mœurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois, cela paraîtrait trop tyrannique : il vaut mieux les changer par d’autres mœurs et d’autres manières.
Ainsi, lorsqu’un prince veut faire de grands changements dans sa nation, il faut qu’il réforme par les lois ce qui est établi par les lois, et qu’il change par les manières ce qui est établi par les manières : et c’est une très mauvaise politique, de changer par les lois ce qui doit être changé par les manières.
La loi qui obligeait les Moscovites à se faire couper la barbe et les habits, et la violence de Pierre Ier qui faisait tailler jusqu’aux genoux les longues robes de ceux qui entraient dans les villes, étaient tyranniques. Il y a des moyens pour empêcher les crimes, ce sont les peines : il y en a pour faire changer les manières, ce sont les exemples. […]
En général, les peuples sont très attachés à leurs coutumes ; les leur ôter violemment, c’est les rendre malheureux : il ne faut donc pas les changer, mais les engager à les changer eux-mêmes.
Toute peine qui ne dérive pas de la nécessité est tyrannique. La loi n’est pas un pur acte de puissance ; les choses indifférentes par leur nature ne sont pas de son ressort ». MONTESQIEU – L’Esprit des lois, Livre XX, extrait du chapitre XIV
« Retour à la liste des repères