« En considérant toutes les possibilités qu’esquissent ou réalisent les autres civilisations et en se livrant à une analyse en profondeur portant sur une assez longue période, on peut affirmer que dans la mesure où un sexe est désavantagé, toute la civilisation s’en trouve appauvrie et que le sexe qui semble dominer le monde n’en domine qu’une faible partie. Plus est saine une civilisation dans toutes ses parties, plus le seront tous ses membres, hommes, femmes et enfants. À partir de la naissance, chaque enfant est formé par la présence et le comportement de l’un et de l’autre sexe et chacun dépend à la fois des deux. Le mythe des îles peuplées de femmes seules, qui vivent sans hommes, comporte toujours, et à juste titre, une ombre au tableau. Un monde unisexué serait imparfait, car il serait sans avenir. On ne peut refuser de reconnaître l’interdépendance des sexes qu’au prix d’un reniement de la vie même. Dès qu’on admet cette interdépendance et qu’on remonte dans le détail jusqu’à la première expérience que fait l’enfant du contraste entre la rudesse d’une joue d’homme rasée, d’une voix grave et la douceur de la peau et de la voix de sa mère, tout programme qui s’aventure à proclamer l’intégrité d’un sexe sans tenir compte de l’autre, se trouve automatiquement rejeté. Considérer isolément la condition des femmes est aussi peu équitable que de considérer isolément la condition des hommes. Ce qu’il faut au contraire, c’est songer à aménager la vie dans un monde bisexué pour que chaque sexe tire le maximum de profit de la présence de l’autre avec tout ce qu’elle comporte. » Margaret MEAD, L’un et l’autre sexe, Le rôle de l’homme et de la femme dans la société (1948), Denoël-Gonthier, 1966, p. 330.
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