« Le fait est qu’un certain idéal, qu’on peut dire idéal humaniste de l’éducation, se trouve aujourd’hui en voie de s’effacer. […]
Ce que relève la rupture opérée tant par le discours utilitariste que par le discours émancipateur, me semble-t-il, c’est l’atteinte qui est faite à la notion même de « culture ». Je dis bien la notion de « culture » ; non pas l’atteinte à l’image des humanités classiques, à l’image de la langue latine ; mais l’atteinte à l’idée d’une culture qui serait précisément indéfinissable et qui serait tout autre chose qu’un ensemble de techniques de connaissance. Ce qui me paraît frappant, c’est d’abord la disjonction qui s’opère entre le Sujet lui-même et la connaissance. Si je rappelais à grands traits quelle était l’inspiration de l’éducation humaniste, c’était pour faire entendre que la connaissance comme telle ne pouvait s’isoler de la formation du Sujet, et que la connaissance même, comme accès à la culture, avait dimension éthique, dimension politique, dimension esthétique. Cette connaissance indéfinie, non déterminable, par excellence non mesurable, c’est maintenant qu’elle devient de l’ordre du superflu, c’est maintenant qu’elle devient de l’ordre de la pure abstraction. […]
Ce qu’il y a de remarquable dans un temps comme le nôtre, où l’on n’a jamais tant parlé de besoins sociaux de l’éducation, où l’on n’a jamais accordé autant d’importance au phénomène de l’éducation, où les pouvoirs publics ne s’en sont jamais autant préoccupés, c’est que l’idée éthico-politque de l’éducation s’est évanouie. » Claude LEFORT, « Formation et autorité : l’éducation humaniste », Écrire à l’épreuve du politique, Calmann-Lévy, 1992, p. 209 ; p. 221-222.
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Ce que relève la rupture opérée tant par le discours utilitariste que par le discours émancipateur, me semble-t-il, c’est l’atteinte qui est faite à la notion même de « culture ». Je dis bien la notion de « culture » ; non pas l’atteinte à l’image des humanités classiques, à l’image de la langue latine ; mais l’atteinte à l’idée d’une culture qui serait précisément indéfinissable et qui serait tout autre chose qu’un ensemble de techniques de connaissance. Ce qui me paraît frappant, c’est d’abord la disjonction qui s’opère entre le Sujet lui-même et la connaissance. Si je rappelais à grands traits quelle était l’inspiration de l’éducation humaniste, c’était pour faire entendre que la connaissance comme telle ne pouvait s’isoler de la formation du Sujet, et que la connaissance même, comme accès à la culture, avait dimension éthique, dimension politique, dimension esthétique. Cette connaissance indéfinie, non déterminable, par excellence non mesurable, c’est maintenant qu’elle devient de l’ordre du superflu, c’est maintenant qu’elle devient de l’ordre de la pure abstraction. […]
Ce qu’il y a de remarquable dans un temps comme le nôtre, où l’on n’a jamais tant parlé de besoins sociaux de l’éducation, où l’on n’a jamais accordé autant d’importance au phénomène de l’éducation, où les pouvoirs publics ne s’en sont jamais autant préoccupés, c’est que l’idée éthico-politque de l’éducation s’est évanouie. » Claude LEFORT, « Formation et autorité : l’éducation humaniste », Écrire à l’épreuve du politique, Calmann-Lévy, 1992, p. 209 ; p. 221-222.