« Ceux qui ont pour idéal une égalisation absolue de l’humanité à tous points de vue doivent forcément exiger la destruction de la culture. Si l’égalité à tous points de vue est la valeur la plus haute, la tâche la plus importante de la société est de rabaisser tous les hommes au niveau de ses membres les moins instruits. C’est à peu de chose près l’idéal de certaines utopies totalitaires du XVIIIe siècle, aux antipodes de la doctrine que Marx appelait socialisme scientifique. Car cette dernière cherchait à abolir le privilège lié au contrôle des moyens de production ainsi que le privilège de l’éducation, dans la mesure où il résulte du privilège de la propriété, c’est-à-dire à donner à chacun accès à la culture. C’est pourquoi le culte du savoir et le désir de savoir étaient des traits caractéristiques du mouvement ouvrier à l’époque où il était sous l’influence prédominante de la doctrine de Marx. Les mouvements qui faisaient de l’égalité à tous points de vue un idéal à atteindre visaient au contraire à liquider plutôt qu’à répandre la culture et le savoir. […] Il semble que ce genre de mentalité soit en train de gagner du terrain dans notre culture plutôt que d’en perdre. » Leszek KOLAKOWSKI, « Les intellectuels contre l’intellect » (1972), in L’esprit révolutionnaire, édit. Denoël, Bibliothèque Médiations, Paris, 1985. p. 90 et 91

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