« Il existe une responsabilité pour des choses que nous n’avons pas commises, mais dont on peut néanmoins être tenu pour responsable. Mais être ou se sentir coupable pour des choses qui se sont produites sans que nous y prenions une part active, est impossible. C’est là un point important qui mérite d’être clairement et vigoureusement souligné à un moment où tant de bons libéraux blancs avouent leurs sentiments de culpabilité face au problème noir. […]
Chaque gouvernement assume la responsabilité des actes et des méfaits de ses prédécesseurs, et chaque nation assume la responsabilité des actes et des méfaits du passé. […] En ce sens on nous tient toujours pour responsable des péchés de nos pères, de même que nous récoltons les lauriers dus à leur mérite, mais nous ne sommes évidemment pas coupables de leurs forfaits, ni moralement ni juridiquement, pas plus que nous ne pouvons imputer leurs actions à nos propres mérites. […]
Nous ne pouvons échapper à cette responsabilité politique et purement collective qu’en quittant la communauté, et puisqu’aucun individu ne peut vivre sans appartenir à une communauté quelconque, cela signifierait simplement passer d’une communauté à l’autre et donc une sorte de responsabilité à une autre. […] Cette responsabilité d’actes que nous n’avons pas commis, cette façon d’endosser les conséquences d’actes dont nous sommes entièrement innocents, est le prix à payer parce que nous ne vivons pas seuls, mais parmi d’autres hommes, et que la faculté d’agir, qui est après tout la faculté politique par excellence, ne peut s’accomplir que dans l’une des nombreuses et diverses formes de la communauté humaine. » Hannah ARENDT, « La responsabilité collective » in Ontologie et Politique, édit. Tierce, 1989, pp. 175 à 184.
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