Anne-Marie Le Pourhiet (*)

Les partisans de la discrimination positive ont un art consommé de ne pas dire ce qu’elle est en réalité. Ils avancent masqués, de façon honteuse, parce qu’ils savent que la discrimination positive est non seulement contraire aux principes de la République française, mais à la culture des démocraties occidentales. Ces grands principes républicains reposent sur trois idées majeures : la liberté de l’individu, l’égalité juridique (je dis bien l’égalité de droit) et la définition de la chose publique opposée à la chose privée (la res publica).

Les fondements de notre droit

Issue de la philosophie des Lumières, la Révolution voit d’abord dans l’homme un individu libre, doué de conscience et de raison, mû par sa volonté, et non pas un héritier de traditions, de religions, de coutumes qui lui seraient extérieures. Je m’autodétermine, je ne suis pas déterminé par mes appartenances héréditaires, familiales, religieuses, ethniques, raciales, etc. La Révolution veut voir un homme libéré de toute appartenance et qui ne saurait en aucun cas être aliéné par un groupe. La conséquence d’ailleurs pour nous les juristes, c’est le triomphe du droit écrit sur le droit coutumier. Le droit coutumier est un héritage du passé, alors que le droit écrit est l’expression de la volonté générale du peuple par l’intermédiaire de ses représentants. La liberté et l’autodétermination s’expriment dans le droit écrit. Le principe révolutionnaire, c’est la libération de l’homme de ses chaînes, de ses appartenances, de ses hérédités, de ses déterminismes, et c’est la raison pour laquelle la Déclaration française des droits de l’homme de 1789 ne veut rien voir entre l’individu libre et la nation souveraine, pas de sous-groupes, pas de catégories, pas de droits collectifs. C’est tout simplement ce que le Conseil constitutionnel, composé de juristes et d’hommes politiques qui connaissent leur histoire, répète sans arrêt. Comme dans ses décisions sur la parité et sur la charte des langues minoritaires et régionales, il affirme toujours : pas de catégorisation des électeurs et des éligibles, pas de droits collectifs reconnu à des groupes déterminés par leur culture ou leur appartenance ethnique… C’est au nom de ces principes inscrits, noir sur blanc, dans les premiers articles de la Constitution de 1958 et, bien entendu, dans la Déclaration de 1789, que le Conseil constitutionnel rend, à chaque fois, une jurisprudence parfaitement conforme aux textes et à leur esprit.
La seconde idée, consubstantielle à la première, c’est l’égalité des droits, l’égalité juridique. Les textes sont limpides, on ne peut pas les renier. « Les hommes naissent libres et égaux en droits ». Contrairement à ce que les partisans de la discrimination positive essaient de nous faire croire, la Déclaration de 1789 ne prône pas l’égalité réelle, mais l’égalité de droit. « La loi doit être la même pour tous. (…) Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». C’est clair. C’est 1789. Le préambule de la Constitution de 1946, qui figure aussi dans le préambule de la Constitution de 1958, nous répète encore la même chose : « Tout être humain, sans distinction de race, de religion ou de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » Il fait même une place à l’égalité des sexes : « La loi garantit à la femme dans tous les domaines des droits égaux à ceux de l’homme. » Nulle part il n’est question d’inégalité de droits pour compenser des inégalités de fait. La Constitution de 1958 dit encore et répète, comme si ce n’était pas suffisant : « La France assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. » La première constitution française, celle de 1791, affirmait de manière extrêmement péremptoire : « Il n’y a plus aucune exception au droit commun de tous les Français. »
Le troisième point, c’est le principe républicain de la distinction entre la chose publique, la res publica, et la sphère privée. La chose publique est ce qui est commun, ce qui unit. La chose privée est celle qui est propre à chacun. Et bien entendu, il ne peut plus y avoir, avec l’abolition de la féodalité, d’appropriation privée de la chose publique. La confusion entre chose publique et chose privée, entre droit public et droit privé, est le propre de la féodalité. Depuis, on a séparé la chose publique de la chose privée. Les éléments de la sphère privée doivent y rester. La religion notamment ressortit à la sphère privée : c’est la laïcité. Les langues régionales et minoritaires se parlent librement dans la sphère privée, mais pas dans la sphère publique. La sexualité, autre élément de la sphère privée, n’a pas à interférer avec la vie publique. Ce principe de séparation est d’ailleurs un grand principe de civilisation. Partout où il y confusion, il y a risque de barbarie. Notez bien que la pensée réactionnaire, la pensée contre-révolutionnaire au sens historique du terme, qui s’est exprimée à partir des années 1790-1791, a critiqué fortement l’abstraction de 1789. On connaît notamment la fameuse formule de Joseph de Maistre qui déclare : « Dans ma vie, j’ai vu des Italiens, des Russes et des Français, mais quant à l’homme je déclare ne l’avoir jamais rencontré de ma vie. » Cette pensée veut continuer à faire adhérer l’homme à ses appartenances et à ses déterminismes. Joseph de Maistre s’opposait également aux constitutions écrites. Seules la coutume, la tradition et la religion notamment étaient sensées, pour lui.

La discrimination positive contre l’égalité des droits

Une fois redéfinis ces principes républicains, qu’est-ce que la discrimination positive ? L’idée est de rompre l’égalité de droit pour accéder à une égalité réelle, une égalité de fait, au motif que des catégories auraient été victimes par le passé de discriminations ou le seraient toujours, ou seraient défavorisées. En général, le discours ne se contente pas de dire « défavorisées », mais plutôt « victimes de discrimination », car il s’agit de pouvoir passer devant l’autre. Pour pouvoir justifier que l’on passe devant l’autre, il faut se présenter en victime. On assiste évidemment à toute une stratégie de lobbying. Vous ne pourrez pas passer devant l’autre, si vous n’avez pas démontré d’abord que vous étiez victime de quelque chose, que vous aviez un préjudice à faire réparer. Le problème est qu’il ne s’agit pas de prendre des mesures pour des catégories sociales défavorisées, mais, au contraire, des mesures de faveur pour des catégories définies par des critères ethniques, raciaux, religieux, sexuels ou même physiques (un handicap). On peut y mettre un peu ce qu’on veut. Aujourd’hui, on en est arrivé à consacrer dans la loi française l’interdiction de discriminer sur l’apparence physique. Je me suis toujours demandée pourquoi on n’interdirait pas dans ces conditions le concours de Miss France… Il y a une telle surenchère que toute distinction est considérée comme une discrimination.
On ne peut faire de discrimination positive, sans rompre l’égalité de droit. Je parle de la discrimination positive réelle, parce que des militants noient souvent le poisson en affirmant : « Ce n’est pas de la discrimination, c’est de l’action positive. » Il s’agit en fait de mesures dérogatoires qui portent atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi. Ce sont des privilèges, au sens étymologique de lois privées, de lois qui sont prises sur le fondement de caractères privés. Aux États-Unis, il existe une multitude de formules de discrimination positive et des emplois sont réservés à certaines catégories ethniques ou autres, sous forme de quotas… Le mot a si mauvaise presse en France qu’on le camoufle. On ne parlera jamais de quotas à Sciences-po, mais de « diversité ». On dira qu’il faut davantage de personnes de telle appartenance, mais on n’annoncera pas de pourcentage précis pour ne pas faire une politique de quotas. Comme dans le sketch de Fernand Raynaud où le fût du canon met « un certain temps » avant de se refroidir, on se contentera de dire qu’il faut « un certain nombre », « davantage de », mais sans préciser de chiffre.
En Norvège par exemple, les pouvoirs publics ont décidé que 15% des emplois devaient être réservés à des non-nationaux. C’est donc le critère d’appartenance à la nation qui est retenu. On peut avoir tout simplement des dispenses de concours, ou une voie spécifique qui comporte des épreuves beaucoup moins sélectives. Par exemple, au lieu d’avoir un concours avec des écrits, des oraux, des épreuves de culture générale, on considérera qu’un dossier de presse et un entretien sur la motivation des candidats sont suffisants. Évidemment, il est nettement plus facile d’être reçu dans ces conditions-là. Aux États-Unis, à l’entrée des universités, on a longtemps accordé des points supplémentaires pour favoriser l’entrée des Noirs à l’université. C’est ainsi que dans un concours de recrutement de pompiers à Los Angeles un blanc a été collé avec 15/20 et un noir a été reçu avec 09/20. Toute une série de mesures de ce type existent, mais on essaie de les camoufler, quand c’est trop criant. En réalité, il faut appeler les choses par leur nom : ces mesures sont des passe-droits ethniques et sexuels, qui permettent de passer devant les autres et d’échapper aux critères purement méritocratiques. Je me dis aussi parfois que si certains élèves ne peuvent absolument pas entrer à Sciences-po par les épreuves normales, c’est peut-être parce que ces épreuves sont mal conçues. Certains concours nécessitent assurément plus de bachotage que d’intelligence, mais c’est un autre sujet. Dans ce cas c’est l’organisation même du concours qu’il faut revoir pour tous. Mais si l’on estime qu’il faut avoir un certain degré de culture générale pour entrer à un niveau donné de la fonction publique et que l’on établit parallèlement des dispenses d’épreuve de culture générale pour certains candidats, on accepte par conséquent de recruter un certain pourcentage d’incultes. Ce n’est pas acceptable.
Si l’on observe ces mesures dérogatoires, adoptées sur des critères ethniques, raciaux, sexuels, ou religieux et non pas sociaux, au nom de la « diversité », on voit bien que l’atteinte aux principes républicains est criante et manifeste. Il y a une contradiction flagrante. Quand il est saisi – car tout ne passe pas par la voie législative en France –, le Conseil constitutionnel censure systématiquement. Mais quand des entreprises privées signent une « charte de la diversité », cela se fait sans loi et le Conseil constitutionnel ne peut être saisi. L’atteinte aux principes est pourtant manifeste, on déroge au seul critère du mérite, on prend en considération des critères ethno-raciaux. On prétend ainsi réparer une « injustice » qui reste à démontrer pour le cas français. Il est évident qu’on peut comprendre ces mesures , sans pour autant négliger leurs effets pervers, dans des pays comme les Etats-Unis ou l’Afrique du Sud qui ont longtemps pratiqué la ségrégation, mais ce n’est pas le cas en France. La discrimination positive est contraire à notre culture traditionnelle qui veut qu’on ne réponde pas à une illégalité par une illégalité, qu’on ne réponde pas à la violence par la violence, qu’on ne réponde pas à une injustice par une autre injustice. Le PDG de l’Oréal a déclaré dans le journal Le Monde : « On a plus de chances d’être recruté chez l’Oréal quand on a un nom à consonance étrangère que quand on a un nom français de souche ». C’est la preuve que la discrimination positive n’est pas l’égalité de chances : il y a des gens qui ont plus de chances que d’autres d’être recrutés chez l’Oréal, c’est bien une discrimination négative à l’égard d’autres Français.

Communautarisme et représentation

Pour concevoir une telle politique à l’égard de groupes, il faut déjà avoir intériorisé une vision communautariste de la société. Il faut être capable de voir des catégories : « les Noirs », « les femmes », « les Latinos » ou « les Arabes » et de les concevoir comme des personnes morales, des groupes. Ce n’est pas la conception républicaine qui est aveugle à ce genre de choses, qui voit des individus, des citoyens, mais pas des gens dans des groupes. Le fait de concevoir une politique de discrimination positive signifie que l’on est déjà intellectuellement en terrain communautariste et que l’on a une perception de la société divisée en groupes. Mais une fois mise en place, la politique de discrimination positive ne peut qu’accentuer encore le communautarisme. En effet, pour pouvoir bénéficier des privilèges, la stratégie des individus sera de se s’inscrire dans un groupe avantagé. Si les Noirs ou les gens issus de l’immigration, ou d’autres catégories, ont droit à des avantages, il vaut mieux appartenir à l’une de ces « minorités », sinon on en sera privé. On le voit très bien aux États-Unis où l’on incite les gens à cocher des cases. Il y a les cases « Métis », « Blancs », etc. Il faut dire ce qu’on l’on se sent être. Imaginez le cas d’un Obama, à moitié blanc et à moitié noir : il aura intérêt à cocher la case « Noir » pour bénéficier de quotas ou de points supplémentaires. On déclenche des stratégies communautaires, des stratégies d’appartenance.
J’ai vécu aux Antilles où j’ai enseigné pendant quatre ans et j’ai vu les jeux de cartes d’identités multiples. Dans certains cas, on a intérêt à être Français, dans d’autres on a intérêt à être Martiniquais. Les Corses savent très bien jouer aussi sur ce registre. J’affirme mon identité corse quand ça m’arrange, et mon identité française quand ça m’arrange aussi. On observe des stratégies qui jouent sur les différentes appartenances. On assigne bel et bien les gens à une identité. Au cours d’une émission à laquelle je participais récemment, on me rebattait les oreilles avec des récriminations du type « les Noirs sont sous-représentés », « les minorités visibles sont sous-représentées », « les femmes sont sous-représentées » et le journaliste répétait en permanence : « À la télé, on ne montre pas assez de femmes ». Je me demandais, si nous étions des animaux de foire.
Se pose ici la question du langage : que veut dire « représenter » ? En France, c’est une notion politique. On représente les citoyens à l’Assemblée nationale, mais que représente-t-on ? Des idées politiques, des courants d’opinion. Je vote pour un parti politique qui défend des idées, une conception du bien commun que je préfère à tel autre courant d’opinion. Je n’envoie pas représenter mon sexe ou ma couleur de peau à l’Assemblée nationale. On ne représente pas des éléments biologiques dans une assemblée politique. Il y a quelque chose de totalement pervers au bout de la logique de cette représentation quasiment zoologique. Si je ne peux être représentée que par un Blanc, la logique veut que les Blancs ne votent plus que pour des Blancs, les femmes pour des femmes, etc. Certaines féministes américaines le revendiquent. Voilà la logique du système. Or ce qui est représenté à l’Assemblée nationale, c’est la nation française. D’ailleurs quand le Conseil constitutionnel, toujours très ferme sur les principes, lit dans un texte : « Mayotte est représentée au parlement … », il rappelle à chaque fois que l’Assemblée nationale et le Sénat représentent la nation française tout entière et non pas des circonscriptions. On est élu à Mayotte mais on n’est pas l’élu de Mayotte. À chaque fois il apporte la précision, et à chaque fois le législateur recommence la même erreur. Ce que l’on représente dans nos assemblées c’est la nation toute entière et non pas des fractions de population.
Il y a quelque chose de totalement pervers dans cette idée de miroir, notamment lorsque l’on dénonce à la télévision des « écrans pâles ». Cela voudrait dire que le présentateur du JT du soir devrait me représenter, alors que la seule chose que je lui demande, c’est de bien m’informer. C’est la qualité de la télévision qui m’intéresse, pas sa diversité. Devrais-je zapper si le présentateur est un homme ou si c’est une Noire ? Je ferais mieux dans ces conditions d’aller devant ma glace, dans ma salle de bains, ce serait plus simple. On voit bien les effets absurdes de cette parcellisation. La télévision devrait être une mosaïque totalement morcelée où chacun verrait représenter sa catégorie ethnique, raciale. Quand on me parle d’« écran pâle » ou de « minorité visible », je demande que l’on appelle les choses par leur nom : c’est bien de pigmentation de peau et de natures de cheveux qu’il s’agit. Est-ce un progrès social ? On régresse au contraire à un état ante-révolutionnaire. Cette logique communautariste est féodale. Elle exprime l’idée que les mandats à l’Assemblée nationale, les postes à la télévision, les emplois de fonctionnaires constituent un gâteau que les communautés se répartiraient. C’est un partage du « gâteau » public, ce n’est plus du tout l’idée d’un bien commun appartenant à tous de manière abstraite. Chacun est invité à prendre sa part du gâteau réparti entre des groupes, à l’intérieur desquels on trouvera des sous-groupes, parce qu’on excite forcément les surenchères. Je le vois très bien par exemple entre les Noirs originaires d’Afrique et les Antillais qui sont souvent à couteaux tirés. Les différentes associations ne cessent de se taper dessus. On excite à l’infini les sous-catégories, et, à chaque fois, il s’agit d’obtenir plus que son voisin. C’est un retour à la féodalité et les emplois publics, les mandats, ne sont pas considérés comme destinés à servir, mais à se servir. On peut sans doute constater que les gens se comportent parfois ainsi, mais ce ne sont pas les principes qui gouvernent notre constitution.

Quels antécédents constitutionnels ?

Il existe déjà des discriminations positives dans la Constitution. La première révision constitutionnelle permet de réserver les emplois et l’accès aux professions aux autochtones en Calédonie. J’ai vécu en Martinique, c’est une revendication permanente des insulaires : « Les emplois pour nous, pas pour les métropolitains… » C’est exactement ce qui a été accepté pour la Nouvelle-Calédonie en 1998. Bien entendu, Gaston Flosse, à l’époque, a obtenu de Jacques Chirac l’équivalent pour la Polynésie. Comme on n’a pas voulu montrer que c’était un cadeau politique, on a étendu ce droit à toutes les collectivités d’outre-mer soumises à l’article 74, comme Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Toutes les collectivités d’outre-mer qui relèvent de l’article 74 de la Constitution, peuvent donc prendre des mesures préférentielles « justifiées par les nécessités locales ». Si un leader politique dit qu’il faut réserver les emplois aux nationaux français, l’on crie à la xénophobie et au racisme mais on n’hésite pas à consacrer cela dans la Constitution au profit de certaines fractions de la population ! Le Conseil régional et le Conseil général de Martinique ont aussi voté des motions demandant à ce que tous les postes d’enseignants qui se libèrent soient réservés aux autochtones. J’ai connu cela moi-même. À la longue, les professeurs métropolitains quittaient l’Université des Antilles et de la Guyane, car ils en avaient assez d’entendre ce discours d’« antillanisation » des cadres et finissaient par se sentir étrangers dans un département français. Il y a un moment où la coupe est pleine. C’est le même problème en Corse. Il faut savoir que les pressions sont toujours très fortes dans les sociétés insulaires, mais je vois aussi des revendications « la Bretagne aux Bretons » sévir dans la militance bretonnante. C’est d’ailleurs sous-jacent à la charte des langues minoritaires et régionales : je dois pouvoir , à la poste, au commissariat, à la mairie, au Palais de justice ou n’importe où, parler en breton et me faire répondre en breton. Cela suppose que tous les fonctionnaires et les magistrats auxquels je m’adresse parlent eux-mêmes le breton. Pour faciliter la mobilité et préparer les concours nationaux, faudra t-il apprendre le breton, l’alsacien et le corse… ? À la longue, on se dirigerait évidemment vers des recrutements locaux et donc l’ethnicisation de la fonction publique. Il y a là une menace évidente pour l’Unité de la République. On a résisté jusqu’à présent sur la charte des langues minoritaires et régionales et le Conseil constitutionnel reste, pour l’instant, composé de gens à dominante républicaine. Quand il examine la conformité d’un traité à la Constitution en vertu de l’article 54, il conclut toujours, en cas de contrariété, que la ratification du traité suppose une révision de la Constitution. Pour la charte sur les langues minoritaires et régionales, il ne s’est pas résigné à inscrire cette phrase et donc à provoquer une révision de la constitution. C’est la seule décision rendue sur un traité contraire où il n’a pas inscrit cette petite phrase. Mais le Conseil constitutionnel se renouvelle et l’on n’est pas certain que les nominations à venir continueront à faire entrer de purs républicains. De toute façon, il existe une tendance communautariste dans la société française qui exerce des pressions extrêmement fortes et ce n’est pas le président de la République actuel ou l’UMP en général, qui constituent un rempart en la matière. Ce n’est pas non plus le Parti socialiste où s’expriment une gêne et un silence manifestes sur ces questions.

Dérives politiques

Je sais que Nicolas Sarkozy est favorable à la discrimination positive et depuis longtemps, mais je ne suis pas sûre qu’il connaisse bien la déclaration de 1789… L’inculture est grande et Hervé Guaino a beau mettre, de temps en temps, du Clemenceau ou du Jean Jaurès dans ses discours, je crois que le président Sarkozy ne comprend pas la tradition républicaine et ne sait pas bien ce qui est dans la Constitution à ce sujet. A l’occasion de l’inauguration du CRAN [1], Nicolas Sarkozy avait envoyé Patrick Devedjan et Roselyne Bachelot représenter l’UMP. Cette dernière avait alors déclaré que c’en était fini du modèle républicain. Dès l’élection de Barack Obama, on a vu Nicolas Sarkozy recevoir le président du CRAN à l’Élysée et promettre de réactiver le comité Veil. J’ai envoyé indirectement un message à ce comité en publiant un article dans le Figaro intitulé : « Touche pas à mon préambule ! » Il a été bien reçu, car je ne crois pas qu’il y ait un enthousiasme débordant au sein de ce comité pour ce que j’appelle la nouvelle trilogie : « Diversité, Dignité, Parité ». Dans la lettre de mission que Sarkozy a adressé à Mme Veil, il lui demandait d’examiner la façon de favoriser l’égal accès des femmes aux responsabilités, non seulement dans le secteur des mandats politiques, mais également dans le secteur privé, car le Conseil constitutionnel n’a jamais admis, après la révision constitutionnelle de 1999, que l’on étende la parité en dehors des mandats politiques. La révision l’obligeait à donner son accord pour les mandats électoraux, mais il n’a jamais accepté qu’on fasse de la parité dans les jurys de concours par exemple. Mais on va nous l’imposer maintenant.
Il a été créé, par exemple, un observatoire de la parité au ministère de l’enseignement supérieur et Valérie Pécresse a confié à Michel Wieviorcka et au président du CRAN un rapport sur la diversité à l’Université. Nous voyons le moment où l’on nous imposera des quotas dans les jurys d’agrégation ou pour les recrutement de maîtres de conférence ! Cet observatoire de la parité est composé de femmes pas très brillantes qui occupent leurs journées à préconiser des mesures absurdes et à donner des femmes universitaires une image peu flatteuse. Mais Valérie Pécresse cède, bien entendu, à toutes les modes politiquement correctes.
Nicolas Sarkozy a promis au président du CRAN de réactiver le comité Veil pour préconiser une révision du préambule de la Constitution qui se réfère à la Déclaration de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946, universalistes au possible. On a déjà ajouté en 2005 la Charte de l’environnement dans le préambule pour y apporter la touche verte de Jacques Chirac. Cette charte est d’ailleurs aussi très contestable à certains égards. On voudrait maintenant rajouter la « dignité » dans le préambule. Qui pourrait être contre la dignité ? Le problème réside dans la racine profonde de ce mot. Il vient du droit allemand et les seules constitutions qui aient jamais consacré la dignité de la personne humaine sont celles de Salazar, de Franco et de Pétain. Cette notion est utilisée par toutes les militances catégorielles qui affirment : « Touche pas à ma dignité ! ». En son nom, on réprime les propos sexistes, homophobes, islamophobes et autres. On ne peut plus ouvrir la bouche sans être accusé de porter atteinte à la dignité d’un groupe. Chacun met ce qu’il veut dans la dignité, c’est complètement subjectif, relatif. Chacun tire la couverture à soi, c’est le terme le plus dangereux que l’on puisse mettre dans un texte juridique. La « dignité » est une notion philosophique, mais il ne faut pas l’imposer en droit, car elle risque d’entraîner un déchirement communautaire.
Nicolas Sarkozy veut promouvoir la « diversité de la société française » et il est évident qu’il veut, pour cela, contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel et permettre la reconnaissance et la promotion des groupes ethniques et autres. C’est très clair, il suffit de lire sa lettre de mission au comité Veil. Il lui demandait de réviser le préambule de la constitution pour introduire la dignité, la diversité et la parité, avec, en plus, l’ancrage européen de la France. L’idée serait de trouver une formule qui permette de ne plus avoir à réviser la Constitution avant chaque nouveau traité européen. On en finirait ainsi avec le système d’écluses par une formule à l’allemande permettrait la ratification d’office de tous les traités. Mais le rapport Veil vient cependant de conclure qu’il n’est pas souhaitable ni nécessaire de réviser à nouveau le préambule.
Il est vrai que la parité professionnelle dans les responsabilités sociales et autres, a déjà été adoptée le 23 juillet 2008, lors de la grande révision constitutionnelle sur les institutions. La reconnaissance des langues régionales est également passée dans un amendement. Même s’il est simplement dit que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France », il s’agit d’un autre élément de communautarisme introduit dans la Constitution. On pourrait ajouter aussi que les vins et les fromages font partie du patrimoine français, ça n’aurait pas d’effet juridique immédiat. Mais il est évident que tous les militants vont s’appuyer sur ce nouvel article pour tenter d’obtenir des changements jurisprudentiels et notamment laisser ratifier la charte sur les langues minoritaires et régionales qui, elle, a des effets juridiques extrêmement concrets. Les concours nationaux de la fonction publique pourraient disparaître avec cette charte sur les langues régionales.
Le comité Balladur avait déjà dit qu’il ne fallait pas toucher le préambule, mais Sarkozy pourrait décider d’aller contre les avis de ces comités sous la pression des lobbies. Il demeure, pour l’instant, une petite sécurité. Pour réviser la Constitution, il existe, en effet, deux formules : le référendum et le Congrès. Les Français ne voteraient sûrement pas pour le communautarisme et comme Nicolas Sarkozy n’aime pas les référendums, il ne prendra certainement pas le risque d’en proposer un sur ce sujet, alors que ce serait pourtant normal puisque le préambule est le contrat social de la Nation et que l’on devrait pas y toucher sans le consentement populaire. Quant au Congrès, après la poussée des socialistes au Sénat lors des dernières élections sénatoriales et alors que la dernière révision est déjà mal passée à une voix près, il n’y a pas de chances d’obtenir la majorité des trois cinquièmes sur une nouvelle révision. Nous sommes donc à peu près tranquilles sur l’aspect constitutionnel.

Quelles leçons tirer des politiques menées aux États-Unis ?

Concernant les effets, on nous cite toujours les États-Unis. La réalité est que l’on ne peut pas mesurer quels ont été réellement les effets des politiques d’affirmative action, pour la bonne et simple raison que la société américaine évolue toute seule. On ne sait pas dans quel état serait la société américaine s’il n’y avait pas eu ces politiques. En tant qu’universitaire, je m’interroge. Si quelqu’un est incapable d’entrer tout seul à l’université et qu’on lui donne dix points supplémentaires pour qu’il puisse passer le cap, est-ce que cette personne, une fois entrée, a soudain, comme par miracle, la même formation, le même niveau et les mêmes aptitudes que les autres ? Non. Que se passe-t-il alors ? Souvent, les gens qui sont entrés ainsi à l’université, peinent dans leurs études. Les résultats ne sont pas bons et les Américains le reconnaissent honnêtement, contrairement à ce qui se fait à Science-po où les évaluations ne sont pas franches. Les réalités statistiques américaines montrent que les étudiants qui sont entrés selon les critères de la « diversité » éprouvent des difficultés à suivre leur cursus. Je ne parle pas bien sûr de Barack Obama dont on sait qu’il n’est pas vraiment « issu d’une minorité défavorisée ».
Les chiffres étaient si mauvais, si alarmants et si gênants à un moment donné, que certains ont proposé une explication : si les étudiants issus des minorités ne réussissent pas comme les autres, c’est parce que les programmes universitaires, les cours et les examens sont inadaptés à leur « culture ». On s’est donc mis à établir des programmes, des examens et des cours pour les « culturellement différents » … qui ont évidemment échoué. C’est aberrant. On a constaté également que ces étudiants se sont concentrés sur les études consacrées à la minorité à laquelle ils appartenaient. Ce sont les black studies, les gender studies, c’est-à-dire de la sociologie militante consacrée à chaque minorité. Rentrés dans des conditions spéciales, ils font un cursus spécial et aboutissent à une spécialisation également liée au système. Universitairement parlant, ce n’est pas fameux évidemment et on ne peut pas faire ça en masse. On peut jouer, dans une promotion de Sciences-po, avec un petit pourcentage de passe-droits qui ne remet pas en cause le prestige de l’école mais si on l’étend à 50% des étudiants on coule une université. On ne peut pas jouer largement avec ce genre de chose. En Inde, ils ont tenté ce type d’expérience mais … pas en chirurgie, ni pour les pilotes d’avion ! Il y a des secteurs où l’on hésite évidemment davantage à remettre en question la méritocratie. On ne va pas donner dix points de plus à futur chirurgien ou pilote d’avion, ça pourrait se terminer mal pour les malades ou les passagers. À Sciences-po, ce n’est pas bien méchant de recruter des gens avec un niveau moindre, mais à l’École nationale d’aviation civile, ce serait plus grave. D’ailleurs, on ne triche pas avec les sciences dures. Dans les écoles de communication ou de pouvoir, c’est facile de déroger au mérite, mais lorsqu’il s’agit de résoudre une équation, on sait le faire ou on ne sait pas. Rédiger une dissertation ou faire un dossier de presse, c’est un peu différent. Je suis donc convaincue qu’une grande école ou une université ne peut pas pratiquer la discrimination positive dans de grandes proportions et certainement pas pour des sciences dures.
J’ai entendu Yazid Sabeg dire que même si Barack Obama n’est pas lui-même directement issu de la discrimination positive, son élection n’a été possible que grâce à des années de pratique de cette politique. Aucune démonstration n’est faite à l’appui de cette affirmation. C’est là que l’on voit comment oeuvrent les lobbies (il faut bien appeler les choses par leur nom). L’élection d’Obama, qui est pourtant la négation-même de la discrimination positive, a été immédiatement exploitée. Je n’ai jamais vu une telle déferlante raciste dans les médias français. On a l’impression que cet homme n’a été élu que parce qu’il est noir, alors qu’il appartient à une élite, à une aristocratie à la fois africaine et américaine. Il a été éduqué de telle façon qu’il n’avait pas besoin d’un coup de pouce ou de points supplémentaires pour entrer à l’université. Et même s’il en a bénéficié au même titre que tous les Noirs, en tout état de cause il n’en avait pas besoin. Et s’il avait eu la maladresse de faire une campagne du type de celles de certains militants de la cause noire, il aurait certainement perdu l’élection. Mais il a parfaitement su faire une campagne universaliste et tenir un discours magnifique sur la question raciale aux États-Unis. Il a bien dit qu’il concevait des politiques sociales, mais qu’en revanche il était peut-être temps de mettre un terme aux politiques raciales et il a ajouté qu’il ne comprendrait pas pourquoi ses filles qui sont très privilégiées bénéficieraient d’une quelconque politique de passe-droits. En tout cas, considérer que l’élection d’Obama est un résultat de la discrimination positive est une escroquerie intellectuelle. S’il y a quelqu’un qui est étranger à la discrimination positive, à la fois parce qu’il n’en a pas eu besoin et parce qu’il ne la prône pas, c’est bien le nouveau président américain et c’est l’injurier que de le ramener à cela. J’ai trouvé tristes et terriblement appauvrissants les commentaires qui ont été faits en France de cette élection .

Débat
Discriminations et inégalités

  • Q : Votre discours est très clair et énergique, mais la discrimination positive vient-elle pas d’une discrimination négative, dont vous parlez très peu ?
  • A.M. Le Pourhiet : Sur l’existence des discriminations, on peut discuter très longtemps. Il n’y a pas eu en France de ségrégation officielle, comme il y a eu aux Etats-Unis ou en Afrique du Sud. Aujourd’hui, les discriminations qui existent sont revendiquées par certaines populations elles-mêmes. Autrefois, les Antillais réclamaient le droit à l’assimilation, maintenant ils réclament le droit à la différence. Quand les autochtones eux-mêmes réclament un statut dérogatoire et ne veulent plus être assimilés, on ne sait plus trop quoi faire. Mais, à part dans les colonies, il n’y a pas eu de ségrégation, ni de régimes distincts en France. D’autre part, je ne sais pas si on peut prétendre éradiquer toute discrimination d’une société. Je ne le crois pas, sauf à risquer de sombrer dans le totalitarisme. La Halde [2], créée par la loi du 30 décembre 2004. me paraît ressembler étrangement à la Stasi. C’est devenu une véritable police de la pensée. Le dernier texte qu’elle a produit sur les manuels scolaires est effarant [3] Une société aura toujours ses chaos et ses désordres, des choses qui ne seront pas conformes à la morale idéale. Mais la lutte contre la discrimination négative ne passe certainement pas par la discrimination positive.
  • Q : Est-ce qu’on pourra jamais empêcher les entreprises de recruter qui elles veulent, même avec le CV anonyme ?
  • A.M. Le Pourhiet : On veut même maintenant sanctionner la discrimination indirecte. Par exemple, les entreprises qui mettent en avant des critères comme les heures de travail ou les jours de travail, sont accusées de discriminer les femmes. On affirme que les critères, même s’ils ne sont pas intentionnellement discriminants, aboutissent à une discrimination. Récemment, nous avons sélectionné cinq candidats pour un poste de maître de conférence en droit public à Rennes. Ce n’est pas facile en ce moment de trouver des candidats et surtout nous n’avions pas de candidat rennais. Il fallait donc des candidats qui viennent d’ailleurs. Ce qui compte, c’est d’abord la qualité du dossier, la spécialité, parce qu’il fallait un administrativiste spécialiste de contentieux, ce qui éliminait déjà beaucoup de gens. Au bout du compte, il restait cinq candidats, tous hommes. À coup sûr, nous pourrions tomber sous l’accusation de discrimination indirecte parce que les critères que nous avons retenus (d’excellence, de spécialité, de mobilité, etc.) étaient des critères à conséquence sexiste. Cette police comportementale devient vraiment excessive. Bien sûr, quand on a la certitude que quelqu’un a été éliminé ou brimé pour des raisons raciales, il faut agir. Le vrai raciste est celui qui préfère un Blanc incompétent à un Noir compétent ou l’inverse.
  • Q : Il n’y a que 20% de femmes à l’Assemblée nationale et vous savez que les personnes en place cèdent très difficilement leur place. Si les femmes ne sont pas représentées, ce n’est pas parce qu’elles ne veulent pas le faire. On ne leur donne pas la possibilité de le faire. N’est-ce pas une inégalité bien réelle ?
  • A.M. Le Pourhiet : Je ne vois pas ici une inégalité. À partir du moment où les femmes veulent se présenter, elles le peuvent. Quant à l’idée que les gens qui ont des mandats n’ont pas envie de laisser leur place, c’est pareil pour les femmes qui sont en place. Ce n’est pas un problème d’inégalité, c’est un problème social vieux comme Hérode. Quand j’ai un mandat, surtout quand je n’ai plus rien d’autre (beaucoup de députés qui ne sont pas réélus sont désœuvrés), je n’ai pas envie de perdre mon poste. J’ai vu aussi des hommes qui se sont dévoués au parti pendant des années, qui ont travaillé avec acharnement et qui voient tout à coup une péronnelle leur passer devant. Elle n’a jamais rien fait et elle arrive avec ces mots : « Mon sexe ». J’ai vu des choses, notamment à gauche qui m’ont choquée. C’est facile d’arriver avec un parachute sexuel. Il n’y aurait pas une seule femme à l’Assemblée nationale, qu’à la limite cela me serait égal. Je veux que ce soit mes idées qui soient représentées et là, en revanche, j’ai du mal ! Pour moi, c’est un non-sujet. Nous sortons d’une société où il fallait bien une division des tâches, quand il n’y avait pas de couche-culottes, de machines à laver, etc. On sort d’une longue histoire où l’égalité ne pouvait pas exister véritablement et je suis plutôt adepte d’une égalité complémentaire entre hommes et femmes que d’une égalité rivale. Je ne déteste pas l’idée de la répartition des tâches. Il est vrai que j’ai appris la couture et mes frères ont appris la mécanique. Pourquoi pas ? Fondamentalement est-ce « inégal » ? Des féministes disent que ça commence dès l’enfance, car on ne leur donne pas les mêmes jouets. Moi, je ne donnerais pas une poupée à mon fils. En ce sens, je ne suis pas féministe.
  • Q : N’y a-t-il pas confusion entre discrimination et inégalité ? À l’école, celle que je connais, je ne crois pas qu’il y ait eu une volonté de discrimination. Le corps enseignant a fait globalement son travail et l’école a permis à un grand nombre d’enfants de banlieues, sans distinction de couleur ni de religion, de s’en sortir. Certains même ont bien réussi. Les inégalités existent, mais elles sont d’ordre culturel, économique et social. Vouloir les éradiquer par la loi, c’est une confusion de l’esprit. Par contre, de véritables discriminations existent contre l’emploi, contre le logement, à l’entrée de certains lieux publics comme dans les boîtes de nuit…. Dans ces cas, la loi doit sanctionner sévèrement. Mais ceux qui revendiquent la discrimination positive ont la plupart du temps une vision communautariste de la société, parfois même un projet politique. Quel est le danger ? Je crois qu’il est bien réel : c’est le danger d’éclatement, de morcellement de la société française, c’est le pacte républicain qui est menacé…
  • A.M. Le Pourhiet : Je serais tentée de dire que je n’ai pas une vision théorique des choses. Ce n’est pas seulement parce que l’on donne un coup de couteau dans le pacte républicain que je m’insurge, c’est parce que, concrètement, on pousse à la haine à l’intérieur de la société, on détruit la cohésion sociale. Le candidat à un concours de pompiers à Los Angeles, qui n’est pas le fils de Rockefeller et à qui on dit : « Tu es collé avec 15/20, alors que le Noir est reçu avec 9/20 », a toutes les chances de devenir raciste… On crée la haine et la division, là où on voulait créer l’unité. J’ai vécu aux Antilles, je sais que ce n’est pas drôle de vivre dans une société où il y a de la haine raciale, des conflits permanents sur tous les sujets. On vous ramène votre couleur de peau, même en plein conseil scientifique de l’université. Dès que vous critiquer le projet d’un Antillais on vous répond : « C’est le retour du pouvoir blanc ! ». Sans aller chercher la couleur de la peau, c’est aussi comme cela en Corse où règne un discours anti-continental. C’est invivable et, surtout, ce sont des sociétés qui se suicident. L’université des Antilles n’existe plus : à force de discrimination positive dans le recrutement des enseignants, il n’y a plus que des mauvais enseignants. Les étudiants trinquent, les diplômes ne valent rien sur le marché. On ne mesure plus les conséquences concrètes de ce drame. Je ne défends pas les principes républicains de façon théorique, parce que c’est « joli, esthétique », mais parce que je crois fermement dans leur effet positif et je suis certaine que c’est leur abandon qui provoque ces dérives. Quand on lit les textes des « indigènes de la République », comment ne pas voir le ressentiment qu’il contient. Il ne faut pas donner libre cours à ces dérives.

Les effets de la discrimination positive dans l’enseignement

  • Q : Que deviennent la culture et l’enseignement quand on les envisage sous l’angle d’une discrimination ?
  • A.M. Le Pourhiet : La particularité de notre culture française, c’est qu’elle est républicaine et qu’elle est justement fondée sur le libre choix et la liberté. Je peux vous dire qu’outre-mer, j’ai vécu les deux. J’ai vécu la fin de la période où les Martiniquais revendiquaient l’assimilation et la mode actuelle qui est au différencialisme, à l’éloge de la créolité et de la différence. Les résultats concrets sont qu’un Aimé Césaire ne sortirait pas de la Martinique aujourd’hui. Il n’y aurait pas un petit-fils d’esclave issu de Basse-Pointe pour rentrer à la rue d’Ulm en 2008. La preuve en est qu’autrefois il y avait beaucoup de médecins antillais, de professeurs de médecine antillais. Aujourd’hui, ils en sont à créer une première année de médecine en Guadeloupe pour essayer d’avoir de nouveau des médecins antillais. La vérité est que les épreuves ne vont pas être les mêmes qu’en France. On est en train de créer une médecine à deux vitesses. Pourquoi n’y a t-il plus d’Antillais qui veulent faire le parcours du combattant des études de médecine, alors qu’autrefois, cela existait ? Le problème est que l’on ne va pas chercher la racine du mal, on prend des remèdes superficiels. On supprime l’obstacle, alors que la question est de savoir comment pousser le jeune à franchir l’obstacle. Victor Schoelcher avait dit : « Après la libération des corps, il faut la libération des esprits » et une délégation de Martiniquais avait pris le bateau [4] pour aller au ministère de l’Instruction publique demander des bons instituteurs, parce qu’ils avaient peur que les meilleurs ne viennent pas là-bas. On voulait, à l’époque, des « hussards blancs » pour qu’ils viennent enseigner aux petits Martiniquais. Aujourd’hui on fait le contraire et le résultat n’est pas bon. Léon Bertrand qui a été ministre du Tourisme de Chirac et qui est maire de Saint-Laurent du Maroni en Guyane se rend très bien compte d’une régression terrible. Le refus d’assimilation entraîne de fait une régression totale.
  • Q : On glisse très rapidement de la défense d’un groupe à la tentative d’imposer une idéologie à l’ensemble de la société. C’est ce qui s’est passé avec la Halde qui essaie d’influencer les décisions sur les programmes scolaires. Cela me rappelle très fâcheusement ce que j’ai vécu aux États-Unis où Shakespeare était banni de l’université parce que c’était, paraît-il, « un mâle, blanc, misogyne ». Ce jugement prouve qu’ils ne l’avaient pas beaucoup lu, mais c’est une autre affaire…
  • A.M. Le Pourhiet : Un livre, qui a déjà plus d’une dizaine d’années, raconte très bien cette situation aux États-Unis, c’est celui de Denis Lacorne : La crise de l’identité américaine. Il raconte, par exemple, comment il fallait déterminer pour un manuel les dix plus grandes inventions du siècle. Mais il y avait beaucoup trop de Juifs parmi les inventeurs, pas assez de femmes et surtout il n’y avait pas un seul Noir. Ils ont donc découvert un cordonnier noir de New York, je crois, qui avait inventé des semelles, et ils l’ont fait figurer à côté d’Einstein ! On désinforme les enfants, on leur apprend n’importe quoi, ils perdent le sens de tout. Ce rapport de la Halde m’a terrifiée. Sur des sites Internet, de nombreuses réactions ont demandé sa suppression, ce qui montre que le bon sens existe encore.
  • Q : Une discrimination positive se fait de manière latente, non-explicite dans le recrutement aujourd’hui des professeurs d’école. Si on laissait faire la sélection méritocratique, on n’aurait pas un seul homme devant les élèves. On peut contester pour d’autres instances, mais l’intérêt général consisterait à avoir un enseignement pour des jeunes, filles et garçons, assuré par des enseignants des deux sexes et ceci dit, il y a un peu de bon sens aussi qui dit que ce ne serait peut-être pas mal qu’il y ait des hommes aussi pour éduquer les garçons. Dans ce cas, diriez-vous que ce n’est plus une question de réparation, mais une question de bien commun de la société dans l’intérêt de tous ?
  • A.M Le Pourhiet : Vous sous-entendez alors que les hommes qui se présentent à ces concours sont moins bons. La raison en est sans doute que c’est un métier peu attractif. Quand il n’y a que des femmes dans une profession, c’est qu’il y a paupérisation. C’est le cas de la magistrature. J’ai du mal à admettre qu’au nom de l’intérêt général on viserait à recruter des enseignants moins bons. Le critère est introduit dans la sélection. On pourrait simplement inciter les hommes compétents à aller vers cette profession, à se présenter au concours de professeurs des écoles, au lieu de laisser les plus mauvais concurrencer les femmes. C’est peut-être une politique d’un autre type qu’il conviendrait de mener avant la sélection. Mais l’idée de donner des points supplémentaires à des hommes pour avoir des profs-hommes qui seraient moins bons que leurs collègues femmes, ne me convient pas.
  • Q : C’est Johnson qui a créé l’affirmative action mais aucun des présidents qui lui ont succédé ne l’ont supprimée. Ils l’ont gardée plus de 40 ans. C’est maintenant que cela commence à poser problème. Il est possible de tenir un discours non racial dans une société qui commence à s’en débarrasser, peut-être précisément à cause de cette « action positive ». Johnson disait de l’égalité des droits, qu’elle devait entrer dans les faits.
  • A.M. Le Pourhiet : Aux États-Unis, aujourd’hui, ce sont des référendums d’initiative populaire qui abattent les politiques d’affirmative action, ainsi que les certains juges parce qu’on se rend compte que ce n’est pas juste et que, peut-être, ce n’est plus nécessaire. Mais la situation ne peut pas véritablement être comparée avec celle de la France. Quelqu’un qui est immigré dans un pays est forcément handicapé. Il est arrivé là parce qu’il est pauvre, sinon il ne serait pas là, souvent ses parents ne savent ni lire ni écrire, ni parler la langue. Il se trouve souvent en situation irrégulière au départ, donc en situation clandestine. Comment peut-on rattraper ce handicap et sortir major de l’ENA en deux ou trois générations ? Dans les universités parisiennes où j’ai travaillé, j’ai mis des 15 et des 16 à une foule de jeunes étudiants qui avaient des noms maghrébins. Le seul 18 que j’aie mis à l’oral en droit constitutionnel dans ma vie, c’est à Paris et à une étudiante noire. Mais je sais bien aussi que ce n’était pas une fille d’ouvrier immigré, c’était une fille de ministre. Elle parlait un français impeccable, elle a fait un exposé sensationnel, c’est tout ce que je lui demandais. Mais le gamin qui arrive avec une capuche, qui parle un jargon de banlieue, qui est violent, qui n’a pas les mots pour s’exprimer, est forcément handicapé. Mais c’est social, pas racial. Je suis désolée de dire que l’école, même celle des bourgeois a démissionné. Moi-même je ne corrige plus les fautes d’orthographe dans les copies de première année. Je sais qu’il y a 30% des étudiants qui ne devraient pas être là. Ils ne savent pas écrire une phrase avec un sujet, un verbe, un complément. Ils sont incapables d’exposer une idée correctement. Je vois bien qu’ils ont un problème d’expression écrite et orale et ils ne viennent pas de banlieue…

Comment en est-on arrivé là ?

  • Q : Le 17 novembre 2008, le Sénat a adopté une résolution dont je voudrais vous lire deux considérants qui sont assez fermes. Le contexte est celui d’une directive européenne que le gouvernement voulait faire adopter avant fin décembre. « Considérant qu’en ne posant pas l’existence d’un principe général d’égalité de traitement s’appliquant à tous, la proposition de directive encourage indirectement la création de communautés de personnes bénéficiant de droits particuliers et s’inscrit donc dans une voie communautariste ; considérant en conséquence qu’en ne respectant pas l’égalité de tous les citoyens devant la loi, elle est contraire aux principes fondamentaux de la République […] le Sénat demande solennellement au gouvernement de s’opposer à l’adoption d’un texte qui ne répondrait pas à cette préconisation. »
  • A.M Le Pourhiet : Cette attitude est nouvelle. Jusqu’à présent toutes les directives européennes sur le même thème ont été complètement avalisées. Lorsque Mme Muguette Dini a voulu s’opposer à l’une des précédentes, Mme Valérie Létard [5] lui a répondu : « On transpose mot à mot, parce que la France va présider l’Union européenne et il n’est pas question d’encourir une sanction. » Et la Halde a été créée parce qu’une directive communautaire prévoit de créer ce type d’institution. Si vous lisez les résolutions du Parlement européen, c’est pire encore. Une nouvelle vient de sortir sur les lois « mémorielles ». En vertu du traité de Lisbonne, les parlements nationaux auraient, en principe, la possibilité de saisir la Cour de justice pour violation du principe de subsidiarité, quand l’Europe s’occupe de ce qui ne la regarde pas. Mais la Cour est toujours favorable aux interventions de l’Union. Je ne peux donc que me féliciter de la résolution du Sénat que vous venez de citer, d’autant plus que depuis longtemps je demande à beaucoup de parlementaires nationaux de protester contre ces transpositions. Le gouvernement défend souvent la transposition mot à mot, alors que, normalement, une directive donne un objectif à atteindre et laisse à l’État le choix des moyens pour l’atteindre. Désormais, les directives sont rédigées de manière très précise. La dernière directive sur la lutte contre le racisme et la xénophobie impose des peines d’emprisonnement et en fixe la durée minimale ! Les parlements nationaux n’ont plus rien à faire, la peine-plancher est déjà prévue par la directive.
  • Q : Vous avez parlé de ces lobbies qui soutiennent la discrimination positive et une vision communautariste de la société française. J’ai le sentiment qu’une partie significative de la presse est ralliée à ces idées, vous l’avez signalé à propos de la victoire d’Obama. On a vu en effet l’idée que la France est « en retard » sur les États-Unis… J’ai même le sentiment de vivre dans un pays quasiment raciste, puisque la France n’a pas élu de président noir.
  • A.M Le Pourhiet : On a touché le fond en matière de crétinisme, il n’y a pas d’autre mot. On ne se souvient pas qu’on a eu une candidate noire à la présidence de la République, Mme Christiane Taubira. Elle a pu être candidate et si elle n’a eu que 6% des voix, c’est son fait. Nous aurions même pu avoir un président de la République de couleur, très tôt, en la personne de Gaston Monnerville qui était président du Sénat, si l’attentat du Petit-Clamart contre de Gaulle avait réussi [6]. Mais quand je parle de Gaston Monnerville à mes étudiants, je ne leur précise pas : « Gaston Monnerville était noir. » Tous mes étudiants connaissent Gaston Monnerville mais quel serait l’intérêt de préciser sa couleur de peau ? Je trouve assez pathétique cette comptabilité des gens comme des animaux, c’est une régression. Les médias, vous le dîtes, sont complètement acquis à la discrimination positive, mais certains intellectuels aussi, des universitaires et même des juristes, y compris ceux qui sont considérés comme des conservateurs. Un plombage politiquement correct est tombé sur ces questions là et personne n’ose plus résister. Toutefois, Fadela Amara ne veut pas qu’on touche à la Constitution, elle me l’a dit sur un plateau de télévision. Elle n’aime pas l’idée du critère ethnique et dit que dans ses banlieues beaucoup de Blancs sont en souffrance et elle ne voit pas au nom de quoi ils devraient céder leur place à quelqu’un d’autre. Elle a une mentalité plus républicaine que d’autres. Dans le dossier que La revue parlementaire a consacré à l’égalité des chances, on trouve une voix contre la discrimination positive : la mienne. Je vis dans un océan de gens qui y sont tous favorables. Beaucoup d’universitaires disent la même chose que moi en privé, mais pas en public. Quand j’ai publié mon article « Touche pas à mon préambule ! » dans Le Figaro, j’ai reçu de nombreux coups de téléphone de félicitations venant de collègues. Mais ils n’ont jamais pensé à l’écrire eux-mêmes. Un de mes collègues qui, dans une revue juridique, s’en était pris à la loi réprimant les propos homophobes, en s’inquiétant que le Conseil constitutionnel n’ait pas été saisi de cette atteinte à la liberté d’expression, s’est entendu demander par le directeur de la revue : « Vous êtes sûr que vous voulez publier ça ? » Il y a un poids important du politiquement correct dans l’université. Plus largement, les gens ne réfléchissent plus, ils ne se demandent plus quel jargon ils sont en train d’utiliser ? C’est un peu orwellien. J’ai lu trois fois dans Le Monde : « Les Noirs sont sur-représentés dans les prisons américaines ». On se fait « représenter » en prison maintenant ! Qu’est ce que cela veut dire ? Et que faudrait-il faire ? Mettre des Blancs innocents à la place des Noirs ? Il se développe un jargon imbécile que les gens répètent comme des perroquets, ce sont des propos qui n’ont aucun sens. Dans les débats sur la loi créant la Halde et réprimant les propos sexistes et homophobes, les interventions des députés et des sénateurs étaient celles d’automates qui répétaient sans réfléchir : « Il ne faut pas faire de hiérarchie entre les discriminations. » Mais bien sûr que si ! L’orientation sexuelle n’est pas la même chose que la pigmentation de la peau qui n’est pas la même chose que le handicap… Il y a lieu de faire des distinctions entre les discriminations. On ne mélange pas tout dans la même bouillie. Mais beaucoup de nos parlementaires se sont accommodés sans problème de la confusion intellectuelle ambiante.

Quelle prise en compte du pluralisme ?

  • Q : Dans l’histoire de la République française, on n’en est pas resté au pur et simple modèle de 1789. On n’en est pas resté à une opposition entre l’État et les individu. En fin de compte, l’État a reconnu la légitimité des syndicats qui défendent les intérêts particuliers, des catégories socio-professionnelle ; il y a des institutions comme le Conseil économique et social qui peut être consulté lors de l’élaboration des lois.
    Pourquoi n’y aurait-il pas une reconnaissance équivalente, non pas dans le domaine ethnique, mais dans celui des grands courants de pensée sur des sujets comme les mères-porteuses, l’euthanasie.. qui sont problèmes nouveaux qui se posent à la société ? Les représentants des religions, des libres penseurs, des francs-maçons… qui défendent une certaine idée de l’homme ont des choses à dire sur ces questions-là. C’est ce qui s’est passé avec la mise en place des comités d’éthique. Dans l’élaboration de la loi, il y a nécessité de prendre en compte le pluralisme des courants de pensée, ce n’est pas pour autant à eux de décider à la place des représentants de l’État, des élus de la nation. Le général de Gaulle a envisagé une réforme du Sénat en 1969. On peut discuter de cette réforme, mais il y avait une idée forte, qui ne remettait pas en cause la République. De Gaulle avait pressenti quelque chose après mai 1968. Il faudrait peut-être « moderniser » la République, et ne pas en rester à la défense pure des principes….
  • A.M. Le Pourhiet : Le Conseil économique et social s’appelle désormais, économique, social et environnemental pour que les associations de défense de l’environnement puissent y participer. Sur le Comité d’éthique, on sait très bien que, de manière informelle, les grandes congrégations religieuses sont consultées en permanence et je trouve ça très bien. Comme ils n’ont pas de clientèle, ils n’ont pas besoin de remplir les urnes, ils ont une vision dégagée de certaines conjonctures électorales qui permet incontestablement d’éclairer les décideurs. Mais ils ne doivent pas être décideurs, ils ne peuvent que participer à la consultation.

(*) Cette lettre rend compte d’un mardi de Politique Autrement qui s’est tenu le 9 décembre 2008 avec Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public qui enseigne le droit constitutionnel et les libertés fondamentales à l’Université Rennes 1. Dernier ouvrage paru : Droit constitutionnel aux éditions Économica, 2ème édition, 2008.

Notes
[1] CRAN : conseil représentatif des associations noires.

[2] Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité

[3] Une étude commandée par la Halde sur le contenu des manuels scolaires, a été réalisée par un groupe de chercheurs de l’université de Metz et intitulée « Place des stéréotypes et des discriminations dans les manuels scolaires ». Deux extraits à titre d’exemple : « En français, le poème de Ronsard “Mignonne allons voir si la rose“ est étudié par tous les élèves. Toutefois, ce texte véhicule une image somme toute très négative des seniors. Il serait intéressant de pouvoir mesurer combien de textes proposés aux élèves présentent ce type de stéréotypes, et chercher d’autres textes présentant une image plus positive des seniors pour contrebalancer ces stéréotypes ». A propos des manuels de SVT on peut lire : « Ces ouvrages font bien référence aux comportements sexuels des animaux, mais l’attirance pour le sexe opposé est l’unique conduite envisagée. ».

[4] À l’époque le voyage durait plus de trois semaines.

[5] Valérie LÉTARD, secrétaire d’État chargée de la Solidarité, auprès du ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville.

[6] Selon la Constitution de la Ve République, en cas de décès du président de la République, l’intérim du chef de l’État est exercé par le président du Sénat jusqu’à l’élection du nouveau président. Le Sénat ne pouvant être dissout, la continuité de la fonction présidentielle est alors assurée.