« D’une part, il faut résister à la séduction d’attentes purement utopiques ; elles ne peuvent que désespérer l’action ; car, faute d’ancrage dans l’expérience en cours, elles sont incapables de formuler un chemin praticable dirigé vers les idéaux qu’elles situent « ailleurs ». Des attentes doivent être déterminées , donc finies et relativement modestes, si elles doivent pouvoir susciter un engagement responsable. Oui, il faut empêcher l’horizon d’attente de fuir ; il faut le rapprocher du présent par un échelonnement de projets intermédiaires à portée d’action. […]
Il faut d’autre part résister au rétrécissement de l’espace d’expérience. Pour cela, il faut lutter contre la tendance à ne considérer le passé que sous l’angle de l’achevé, de l’inchangeable, du révolu. Il faut rouvrir le passé, raviver en lui des potentialités inaccomplies, empêchées, voire massacrées. » Paul RICŒUR, Temps et Récit, Tome III, Le temps raconté,
Seuil, Paris, 1985, p. 312-313.