« Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un État, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir. […]
La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu’elles défendent, il n’aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir.
[…] La liberté politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n’est pas toujours dans les États modérés. Elle n’y est que lorsqu’on n’abuse pas du pouvoir : mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la vertu même a besoin de limites.
Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une Constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l’oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet ».
MONTESQUIEU, L’Esprit des lois, livre IX.