La notion d’« égalité » est une référence centrale du discours politique actuel et donne lieu à de multiples utilisations : « égalité citoyenne », « égalité sociale », « égalité des chances »… Comment s’y reconnaître dans ces différents usages ?
La démocratie met en œuvre le principe selon lequel tous les citoyens ont un droit égal aux libertés fondamentales garanties par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Constitution. Les citoyens sont égaux devant la loi qui doit être la même pour tous. Ils ont droit de participer à la formation de la loi, essentiellement par le suffrage universel, et à l’exercice des fonctions publiques.
Depuis le XIXe siècle, le domaine de l’égalité s’est élargi à la sphère économique et sociale à travers l’idée de justice sociale. Aux principes fondateurs de la démocratie se sont ajoutés des droits sociaux prenant en compte les inégalités économiques et sociales et affirmant le droit d’obtenir un emploi et à des moyens convenables d’existence (préambule de la Constitution de 1946).
Depuis les années quatre-vingt, le discours politique met en avant la notion d’« équité » et d’« égalité des chances », sans que cette notion ait fait l’objet d’un éclaircissement théorique suffisant. Constatant les effets déstructurants de la crise, le rapport du Conseil d’État pour 1996 sur le principe d’égalité s’interroge sur « la portée d’une égalité conçue comme une égalité des droits », et « si une meilleure égalité des chances n’apporterait pas aux problèmes économiques et sociaux de la société contemporaine une réponse plus équitable ». L’« égalité des chances » est au centre des politiques publiques et est associée au principe de « discrimination positive » dans le domaine économique et social (« donner plus à ceux qui en ont moins »). Cette politique met en pratique des traitements différenciés en faveur des catégories les plus défavorisées, dans la politique de la ville et la politique d’établissement de zones d’éducation prioritaires dans les quartiers défavorisés à fort taux d’échec scolaire. À ces évolutions s’ajoutent des références à l’égalité plus équivoques. La critique de l’élitisme dans le domaine de l’école et de la culture débouche sur un discours démagogique qui, au nom de l’égalité, prône le « droit à la réussite » pour tous et développe l’égalitarisme. Enfin, au nom de l’« égalité », l’affirmation de différences ethniques, culturelles, sexuées, liées à des communautés ou des groupes minoritaires, s’accompagne de la revendication d’une « discrimination positive » dans le domaine professionnel et politique.
Le séminaire de Politique Autrement se propose d’examiner de plus près ces évolutions et ces différentes approches, en essayant de clarifier le principe d’égalité et les enjeux des débats auxquels il donne lieu.

  • Quelle conception de l’égalité nous est léguée par le modèle démocratique et républicain ?
  • La revendication d’une discrimination positive dans le domaine culturel et politique en faveur d’un groupe ou d’une communauté particulière est-elle compatible avec le principe d’égalité ? Quelle prise en compte de la pluralité des cultures dans la société démocratique ?
  • Que signifie la notion d’« égalité des chances » ? Quels changements introduit-elle dans la conception du modèle républicain ? Quels sont ses effets réels dans la lutte contre les inégalités sociales ?
  • Quelle conception de l’égalité est portée par l’individualisme contemporain ? Telles sont les questions, que ce séminaire se propose d’éclairer et de débattre.

Programme-Séances

  • « Quelles conceptions de l’égalité ? » Cette première séance vise à fournir les connaissances de base sur cette question à partir de la lecture d’extraits de textes classiques : Rousseau, Montesquieu, Tocqueville et du philosophe contemporain John Rawls.
  • « Le pluralisme culturel et les enjeux de l’égalité démocratique. Républicanisme et discrimination positive ». Par Patrick Savidan, philosophe, Paris IV-Sorbonne, secrétaire de rédaction de la revue Comprendre, revue de philosophie et de sciences sociales qui consacre son premier numéro à la question du pluralisme culturel.
  • « Équité et d’Egalité : les enjeux du débat ». Par Michel Borgetto, professeur de droit public à l’université de Poitiers, auteur notamment de La Devise Liberté Égalité Fraternité et La République sociale, édit. PUF.
  • « Égalité et nouvel individualisme ». Par Marcel Gauchet, philosophe, auteur de Essai de psychologie contemporaine, Le Débat, n°100 et n°101. Derniers ouvrages parus : La Révolution des pouvoirs et La religion dans la démocratie, édit. Gallimard.