Modernité et démocratie, l’interprétation critique de Hanna Arendt

Hannah Arendt est désormais devenue une référence, sans que pour autant soit suffisamment pris en compte le cadre réflexif global dans lequel s’inscrit sa critique de la modernité. Ses conceptions du « travail », de l’« œuvre », de l’« action », de la cité grecque et de l’évolution historique sous-tendent son interprétation du monde moderne. On ne saurait séparer ces deux registres, si non au risque de réduire la réflexion de H. Arendt à quelques critiques faciles de la société moderne.
Celle-ci souligne la place prise par le travail et la question sociale dans les démocraties modernes dans une optique qui met en question nos cadres de pensée habituels ; sa conception de la politique s’inspire de la démocratie athénienne et sa critique met en en perspective cette expérience originaire avec les démocraties modernes ; son interprétation de la révolution française comparée à la révolution américaine souligne le conflit entre liberté et égalité ; sa critique du sentiment, de la « compassion » en politique, son interprétation de la crise de l’éducation dans le monde moderne gardent plus que jamais leur actualité… Autant d’éléments qui méritent d’être étudiés avec attention et contribuent à mettre en lumière des phénomènes politiques et sociaux de notre société. Après avoir étudié et cerner de plus près le cadre global de l’interprétation et de la critique, nous nous interrogerons sur sa portée et ses limites pour comprendre notre présent.
Bien que la critique du totalitarisme soit liée à l’interprétation globale de la modernité de H. Arendt, le séminaire 2011 n’aborde pas ce thème. Cette année, nous avons voulu centrer notre étude sur ses conceptions de la démocratie, de l’éducation et sa critique de la révolution française. 
Fidèle à notre habitude de travail, le séminaire procédera à une étude et à une discussion de textes choisis, en nombre limité (3 à 4 par séance), accompagnées au fur et à mesure d’apports structurés de connaissances sous la forme d’exposés et de mises en perspective des textes choisis avec d’autres textes et auteurs qui semblent leur faire écho, les rejoindre ou les contredire. Des petites bibliographies et des recommandations de lecture sont fournies à chaque séance. Notre souci pédagogique dans l’esprit de l’éducation populaire vise à permettre à chacun de mieux comprendre la problématique de l’auteur, sans pour autant prétendre rendre compte de façon exhaustive de son œuvre. Il s’agit d’une première approche de son interprétation du monde grecque et de sa critique de la modernité. Ce séminaire doit ainsi permettre à chacun de poursuivre de façon plus aisée la lecture et l’étude des œuvres en question ; il est ouvert à tous ceux qui désirent opérer un recul réflexif et critique sur notre modernité.

SÉANCES

Samedi 5 février, 14h 30 : « Quelle critique de la société de consommation ? Le travail, l’œuvre et la culture dans le monde moderne. »

La critique de la société de consommation de Hannah Arendt est inséparable de sa distinction du « travail » et de l’« œuvre ». Quelles définitions en donne-t-elle ? Quelle pertinence de cette distinction dans la société d’aujourd’hui ? Quelle critique de la culture dans une société de consommation ? 
Étude des textes portant sur le « travail » et l’« œuvre », sur leur confusion dans le monde moderne, sur la culture confrontée au développement des loisirs.

Samedi 5 mars, 14h 30 : « Quelle politique dans le monde moderne ? De la cité grecque à la société. »

La conception de la politique de Hannah Arendt s’inspire de la démocratie athénienne et sa critique met en en perspective cette expérience originaire avec les démocraties modernes. Quelle est la pertinence de cette référence et de cette mise en perspective ? Quels phénomènes politiques cette interprétation contribue-t-elle à mettre en lumière ? 
Étude des textes portant sur l’interprétation de H. Arendt de la cité grecque, sa conception de « l’Action » et de l’histoire, sa critique du comportement de masse dans les sociétés modernes.

Samedi 2 avril, 14h 30 : « Crise et difficultés de l’éducation. »

Dans ses textes portant sur l’autorité et l’éducation, H. Arendt est amenée à souligner les difficultés de l’éducation dans un monde marqué par la crise de l’autorité et de la tradition, tout en réfléchissant au rôle que l’éducation joue dans toute civilisation. En quoi consiste cette crise ? Quelle conception arendtienne de l’éducation ? 
Étude des textes portant sur l’éducation des enfants et la responsabilité des adultes dans la « responsabilité du monde », sur la crise de l’éducation en Amérique qui, sous beaucoup d’aspects, paraissent prémonitoires de la crise de l’école que nous connaissons aujourd’hui.

Samedi 7 mai, 14h 30 : « Quelle critique de la révolution française ? Quelle conception de la démocratie dans le monde moderne ? »

Dans son Essai sur la révolution, Hannah Arendt développe une interprétation comparative entre la révolution française et américaine qui souligne les déviations de la révolution française et la terreur sur laquelle elle a un moment débouché. Quelles sont, selon H Arendt, les causes de cette dégénérescence ? 
Étude de textes portant sur la question sociale, sur la conception du « peuple », sur la différence entre solidarité et compassion, sur la politique de la vertu.
Pour terminer ce séminaire, nous nous interrogerons sur la portée et les limites des conceptions de la démocratie et de la liberté chez H. Arendt, en les confrontant à celles de Benjamin Constant dans son texte « De la liberté des anciens confrontée à celle des modernes ».