Lettre n°18 – janvier 2000

Les premières grandes négociations sur la libéralisation du commerce mondial ont commencé dans les années cinquante. Leur but était de faire baisser les tarifs douaniers et de relever les normes sanitaires et techniques. Elles ont débouché sur le GATT, l’Accord général sur les tarifs et les commerces.
La dernière négociation en date, le Cycle de l’Uruguay, a été ouverte en 1986 et conclue en 1994 à Marrakech. L’accord ne concernait ni l’agriculture, ni les services et renvoyait la discussion à une nouvelle négociation, le Cycle du Millénaire, qui devait s’engager avant l’an 2 000.
C’est pendant ces discussions, en 1993, qu’a été créée l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce. Elle regroupe aujourd’hui cent trente cinq États, dont une grande majorité d’États du Sud, « émergents » ou en voie de développement. Trente nouveaux pays ont déposé leur candidature. Son siège se trouve à Genève et emploie six cents personnes.

Intervention étatique

Les États-Unis, partisans du libre-échangisme et donc d’une moindre intervention des États, n’étaient pas très favorables au passage d’une structure souple de discussion à un organisme plus contraignant. Ce sont les Européens, favorables à l’intervention étatique dans l’élaboration des politiques commerciales et industrielles, qui ont le plus œuvré pour la mise en place d’une telle structure.
Le commerce se règle depuis toujours de façon bilatérale, entre pays. Nul n’est besoin d’organisme international pour qu’il se développe. La mondialisation des échanges commerciaux préexiste donc à toute organisation de ce type.

Quelles compétences ?

Le rôle de l’OMC n’est pas de produire des règles, mais de contrôler les accords approuvés par les États et de veiller à leur application. Ce sont les États qui s’accordent entre eux sur la réglementation à mettre en place et, bien évidemment, les plus puissants cherchent à imposer leurs propres normes dans les négociations. L’OMC est donc avant tout un lieu de négociation et de régulation dans lequel s’affrontent des coalitions de pays. Les rapports de force pèsent lourdement dans son orientation. 
Aussi, même si l’OMC est fondée sur le principe de l’égalité des États, « un État, une voix », on ne peut pas dire que son fonctionnement soit parfaitement démocratique dans les faits. Les règles qui sont souvent le résultat de compromis entre les pays, servent d’abord les intérêts des grandes puissances industrielles et commerciales.
L’échec des négociations de Seattle a constitué un succès pour les forces de la « société civile » qui se sont mobilisées contre leur ouverture. Quoi qu’on puisse penser des objectifs poursuivis par ces diverses associations et de leur éclectisme, elles ont fait valoir un mot d’ordre, « le monde n’est pas une marchandise », dont la portée symbolique a suscité un large écho dans les différents secteurs de l’opinion.

Une victoire « à la Pyrrhus » ?

Mais les questions demeurent. Peut-on laisser le commerce se développer de façon sauvage ? L’OMC n’est pas un simple instrument à la botte des multinationales, comme on a pu la représenter. La réalité est plus complexe. Certes, c’est d’abord un organisme centré sur l’ouverture des marchés et sur les exportations, mais c’est aussi un espace de confrontation des différentes politiques et des modèles de régulation économique.
Refuser et « diaboliser » un organisme chargé de réguler le commerce international, ce serait aggraver davantage encore les inégalités. Il convient donc plutôt de le réformer pour que son fonctionnement soit plus démocratique et pour qu’il prenne véritablement en compte l’intérêt des pays les plus faibles.

René Rodriguez

Sommaire de la lettre n°18 – novembre 2000